Ah, le plaisir de pouvoir observer les œuvres sans une cohorte de téléphones portables, de gros objectifs qui vous passent de justesse sous le nez, de gens affairés à recréer une cacophonie qui nous empêchent même de "penser l’œuvre" par nous-même... Vous l'aurez compris, le premier atout de ce documentaire Une nuit au Louvre : Léonard de Vinci est de nous faire (re)découvrir le célèbre musée dans les meilleures conditions d'analyses possibles (bien qu'à travers un écran) : dans le calme, avec des commentaires éclairés et éclairant des commissaires de l'exposition (Vincent Delieuvin et Louis Frank), en zoomant sur les parties du tableau ou de la sculpture dont on parle pour en observer les détails comme jamais on ne pourrait le faire dans le cadre du musée (à moins d'avoir le nez collé dessus, ce que les cordons de sécurité nous interdisent - heureusement pour les œuvres - ou d'être un restaurateur d'art avec une loupe en main). On ouvre grands les yeux et les oreilles, pour ne pas louper une miette de ce qui se dit, bien plus pédagogique que de lire les plaquettes de chaque œuvre (honnêtement : qui les lit toutes ?), mais on trouvera à redire sur ce qu'on entend, pas toujours très humble quant à l'artiste qu'était De Vinci. Ainsi, le terme "inachevée" pour qualifier la plupart des œuvres est correct (il reste souvent des parties moins abouties), mais il est trop utilisé par les commentateurs et sonne, à force, comme une critique (mais ne peut-on pas concevoir l'inachèvement comme un art, une façon de faire, un charme de De Vinci ?). Et l'on se questionne encore sur quelques analyses : elles semblent établies comme vérités. Par exemple, on nous dit avec conviction que dans La Vierge et l'enfant, Marie semble triste de comprendre le destin du Christ, alors que nous y voyons un large sourire qui nous frustre un peu quant à cette lecture de l’œuvre... De bien nombreux points où l'on tique parfois, car nos opinions et lectures divergent de celles des commissaires (un autre : Léonard De Vinci n'a été scientifique que pour mieux revenir à la peinture... "Si l'on veut"...), le film aurait pu nuancer les dires (un conditionnel, un contre-argument). Enfin, on peut râler sur la mise en scène peu inspirée, ou trop zélée pour une séquence après l'analyse de la sculpture L'incrédulité de Saint Thomas qui nous place dans des zooms obscurcis sur-esthétisés inutiles (on n'y voit - et comprend - rien), ou avec le commissaire...en plein devant l’œuvre. Quel intérêt, lorsqu'on filme des œuvres sans public pour des spectateurs qui fuient les têtes agglutinées devant les tableaux, de tourner des scènes où l'on place exprès le commissaire entre nous et l’œuvre ? Une contre-productivité parfaite dans la mise en scène, qui s'allie à l'écriture "en vérité absolue", les deux points noirs de ce si beau documentaire. Autrement, la richesse des œuvres présentées (une vingtaine, tout de même !) conforte l'excellente idée d'avoir fait une étude chronologique du peintre pour mieux en cerner l'évolution, et l'on ne boude pas les incroyables anecdotes que l'on apprend ! Un documentaire qui, contrairement à ce qu'on peut penser, ne s'adresse pas uniquement aux férus d'Histoire de l'art, et permettra aux élèves, professeurs, passionnés et curieux de découvrir en 1h25 d'innombrables informations sur le célèbre peintre et sa si belle Joconde... Oublions cette mise en scène au profit de la mine d'or visuelle et informative.