Une nuit au zoo
Une nuit au zoo

Long-métrage d'animation de Ricardo Curtis et Rodrigo Perez-Castro (2025)

Halloween approche à grand pas. C'est l'occasion de s'armer de bonbons pour affronter les enfants du quartier qui ont décidé de se déguiser, mais aussi de se regarder de bons films d'épouvantes pour nous aider à rêver durant la Toussaint. Il y a bien sûr les films américains de gros studios, mais aussi des films plus pointus que l'on ne peut trouver que dans des festivals de genre, et qui permettent des fêter d'Halloween avec une pointe d'originalité. Ces festivals ont pour particularité qu'ils n'acceptent pas toujours les films à grosses productions (ou les grosses productions n'acceptent pas ces festivals qui pourraient faire mauvaise presse vis-à-vis de leurs derniers films, voire les deux), et cela se ressent aussi dans le choix de la sélection des compétitions annexes qui proposent, entre les projections de films comme Grave ou Late Night With the devil, des films plus abordables au public jeune. Un festival peut coûter très chère, d'autant plus hors région hors de l'Ile-de-France, et il est toujours intéressant d'inviter des non-initier à emmener leurs enfants voir un film fantastique, kit à ce que les parents puissent être intéressé par la compétition officielle. C'est ainsi qu'au Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg ou au Festival International du Film Fantastique de Gérardmer, il y a (respectivement) une sélection Animation et Jeunesse qui permettent de découvrir des films sortant des circuits classiques. Si la sélection de Strasbourg est plus riche mais se compose en grande parti de films de la compétition du Festival d'Annecy, notamment cette année avec Memoir of a Snail, Flow ou encore Angelo dans la forêt mystérieuse, la sélection de Gérardmer est serte plus maigre, avec une seule projection jeunesse, mais tente de mettre à l'honneur un festival fantastique grand public pour enfant. Cela peut prendre différentes formes comme le film de superhéros, avec le film Samsam ou Super Lion l'année dernière, ou encore des films liés aux contes et à la fantaisie, comme Dragon 3 ou Maurice le chat fabuleux (ce dernier ayant été une très belle surprise). La sélection de Gérardmer 2025 n'est pas encore faite et nous aurons surement une réponse dans le courant du début du mois de janvier 2025, mais on peut déjà lorgner sur d'autres festivals, et voir quel pourrait être l'heureux élu qui pourrait coller aux critères du festival. C'est ainsi que l'on vient à regarder le plus grand festival du film fantastique et horrifique (voire même mondiale), à savoir le festival international du film fantastique de Catalogne (SITGES), dont le palmarès est souvent indicateur des tendances qui vont rythmer le PIFFF à Paris ou encore Gérardmer. Cette année au SITGES, mis à part le très attendu Spermageddon (qui ne semble pas viser le public jeunesse, que ce soit dans ses retours ou même ses premières images) ou encore des films plus adultes comme Exorcism Chronicle The Beginning ou Shirkoa In Lies We Trust, on a pu découvrir Night of the Zoopocalypse (Une nuit au Zoo en français) production surprenante qui se veut comme un film de zombi pour enfant en provenance des studios Mac Guff (le tout produit par House of Cool, ayant travaillé sur L'Âge de Glace : La Dérive des continents, Moi Moche et Méchant, Next Gen, Les Incognitos ou encore Steve bête de combat). Faute d'avoir toutes les clefs, il est évident que ce genre de postula attise la curiosité, et que cela peut paraitre comme un parfait film d'Halloween à voir en famille.


On pourrait s'attendre à un film consensuelle, à l'image de l'animation 3D un peu rudimentaire qui tend à lisser le plus possible pour pallier à un manque de savoir faire en production pure. Cependant, et c'est là le plus gros point fort du film, consciemment ou non, celui-ci prend énormément de risques et n'hésite pas à bousculer le spectateur. A travers ses références, allant de la plus frontale comme Alien le huitième passager de Ridley Scott, à la plus subtile comme Les Dents de la mer de Steven Spielberg, le film assume son rattachement à l'horreur et n'hésite pas à proposer des choses rarement vu dans le cinéma grand public. Il aurait été facile de réutiliser la langue mâchoire du Xenomorphe, ou même la naissance du bébé Xenomorphe depuis le corps de quelqu'un d'autre, en n'exploitant que l'image populaire à but de divertissement, avec ironie et un peu de cynisme, plus que la portée horrifique et réflexive. Cependant, le film prend à bras le corps ces références afin de les réemployer pour un nouveau publique qui apprend à avoir peur, et apprend à voir des films horrifiques. Il y a ainsi tout une porté pédagogique, avec plus ou moins d'adresse (on y reviendra plus tard), qui se créé autour de la référence et du genre horrifique. Le film est un doux hommage aux films d'horreur des années 70 que l'on peut avoir vu jeune en cachette, et le zoo est alors un bac à sable où l'on recréé ces images horrifiques qui forgent notre imaginaire. Cette idée est accentuée par la brume, qui englobe le zoo, et transforme le zoo en immense château de sable lorsque celui-ci est filmé en hauteur. Que ce soit une piscine à boule qui se transforme en océan où la menace vient des profondeurs comme dans Les Dents de la mer, ou même un magasin de souvenir filmé de nuit avec des peluches pendus au plafond rappelant presque les figurines du Projet Blair Witch, sans même regarder l'animation en elle-même, la mise en scène est pleine de bonnes idées.


Le film développe tout un travail sur le corps qui, là encore, rentre dans de l'expérimentation ludique grandeur nature. Si les animaux sont poilus et rêches dans leurs états normales, zombifiés, ils deviennent lices et gélatineux, à la manière d'un Armstrong ou d'un Actionman recouvert de slime. Ces derniers sont comme des jouets que l'on peut malmener et qui, dans un certain sens, est révélateur de leurs conditions (on y reviendra tout de suite après). En adoptant un certain côté presque ludique et régressif, le film trouve un échos dans l'imaginaire du jeune public, offre un terrain d'entente aux références horrifiques les plus divers, et ne dépend jamais d'une même œuvre pour proposer des moments d'angoisses. Les zombies se découpent des membres, sont décapités, écrasés, transpercés de part en part, atterrissent lourdement après une chute de plusieurs étages (dans des moments qui peuvent rappeler une brutalité que peut avoir The Sadness de Rob Jabbaz), et cela génère des moments horrifiques qui deviennent parfois très impressionnant, même pour un adulte (on y reviendra plus tard). Malgré tout, le film ne tombe jamais vraiment dans un ton trop lourd car cette mutation du corps permet aussi des pures moments comiques qui permet de respirer. A l'image d'un jouet, on peut mal réagir au fait de martyriser un zombi, tout comme on peut s'en amuser. Quand des zombies tentent de se reconstituer mais deviennent totalement désarticulés, ou même fusionnent pour devenir des créatures encore plus affreuses (rappelant par moment les mutations du Virus Uroboros dans la franchise Resident Evil), il y a évidemment une part d'horreur mais aussi une forme d'humour face à l'absurde de la situation. C'est accentué par les caractéristiques mêmes de la zombifications qui sont similaires à ceux des sucreries, comme si les animaux se transformaient en bonbons lices grandeur nature. Les enfants adorent étirer, tordre, découper, lécher, malmener leurs bonbons avant de les manger, et on peut voir en ces animaux zombies des jouets que les réalisateurs aiment tordre dans tous les sens. Tout cela vient apporter un propos très intéressant sur les conditions de vie des animaux du zoo qui, en permanence, sont sollicités par les visiteurs du zoo. Il y a une séquence assez intéressante à ce propos dans la première partie, celle avant la nuit, qui tend presque à développer une forme de gêne généré par le comportement immature des enfants (chose que l'on évite traditionnellement de mettre en scène autre part que dans des films d'auteurs destinés aux adultes, comme par exemple Julie en 12 Chapitres de Joachim Trier). On voit des enfants s'accrocher aux barreaux, lutter contre leurs parents pour ne pas lâcher des poussins, et de rester au plus (trop) près des animaux qui semblent n'être plus considéré comme des êtres vivants, mais comme des jouets. On peut ainsi voir en cette mutation, venu du ciel, comme une forme de remise en question de la place des animaux dans leurs existences, dans une sorte de Madagascar horrifique. Ce sont des animaux qui ne se rendent pas compte du danger que peut être les visiteurs pour eux et, comme sous-entendu par la grand mère de l'héroïne, le danger peut venir des autres animaux, que ce soit ceux présent dans le zoo ou ceux le visitant. La figure du zombi est ainsi réutilisé de manière traditionnelle, dans la ligné de Romero sur la quête d'individualisme et d'identité, mais aussi moderne et actuelle dans un cadre animalier et familiale. Les choix des personnages prennent un poids supplémentaire quand certains débattront de vouloir (ou non) s'échapper du zoo, et peu être retrouver une forme d'indépendance. Le film devient alors très intéressant à analyser et passionnant à suivre vu de ce prisme là.


Pourtant, malgré que le film ouvre beaucoup de possibilités, il en exploite que très peu et reste beaucoup trop sage par rapport à ce qu'il ne devrait. A force de vouloir rester prudent, dû au fait que le film s'attaque un genre très codifié et risqué dans le cinéma jeunesse, le film se braque et n'arrive plus à pleinement s'exprimer. On peut le voir dans le propos de fond du film qui se limite beaucoup trop à une morale assez consensuelle sur le pouvoir de l'amitié et de l'entraide, qui vient presque en contradiction avec le questionnement sur l'individu qu'introduit la zombification, ou même la très belle scène d'ouverture présentant le personnage personnage face à sa meute. On sent que le film cherche plus à faire découvrir qu'est ce que le cinéma d'horreur, plus qu'à être un bon film d'horreur à hauteur d'enfant, et cela aurait presque pu marcher si cela ne se manifestait pas à travers un ton éducatif, presque infantilisant. Sur ce registre, l'un des problèmes majeurs du long métrage reste sans aucun doute le personnage de Xavier qui ruine complètement l'expérience. Dans une volonté d'avoir un personnage narrateur et méta, à la manière de la conteuse dans Maurice le chat fabuleux, le personnage va constamment briser le quatrième mur pour évoquer l'hypothèse que le récit suit des codes du film d'horreur, et va tout nous expliquer. C'est courant qu'un film nous contextualise l'action en décrivant ce qui se passe, ou nous fait du foreshadowing un peu maladroit qui nous vend la mèche de ce qui va se passer, mais raconter ce qui se passe et dire textuellement tout le déroulé de la suite du film à travers les dialogues qui regarde le spectateur face caméra, là c'est concept et c'était à éviter. Là où le personnage de Malicia dans Maurice le chat fabuleux est remis en question par son envi de tout prévoir (amenant un propos sur la nécessité de croire et de vivre pleinement même les récits plus ordinaire pour se reconnecter à une forme ancienne de fantastique), ce personnage de suricate raconte tout le film sans que cela n'ait d'intérêt dramaturgique. Le personnage prend une posture de supériorité qui aide le personnage à se détacher des autres, mais c'est souvent au dépit du film qui se fait souvent jugé de haut par ricochet, et on ne fait que subir la présence de ce personnage qui gâche tout effet de surprise. On est constamment amené à se demander pourquoi ce personnage existe tel qu'il est et, s'il y a bien une volonté de dédramatisation de l'horreur en coupant une crainte de la suite du film, on s'aperçoit très vite que le film pouvait nous épargner l'utilisation d'un personnage aussi mal pensé. Les autres personnages n'en mènent malheureusement pas large car, même si l'on tente de rattacher chacun à travers des clichés des films d'horreurs (plus ou moins crédibles), on se retrouve avec des animaux très peu développés qui peinent à nous impliquer émotionnellement. Se sauvent le tandem principale et peu être l'autruche (ainsi que le nasique, mais c'est bien parce qu'il a une posture plus antagoniste et antipathique), mais il ne faut malheureusement pas s'attendre à quelque chose de transcendantale. Cela passe tout de même au second plan face au problème principal du film, qui explique en parti l'utilisation d'un personnage comme celui du suricate Xavier: Il y a un sérieux problème d'harmonie.


Je parlais précédemment du ton du film qui évite de justesse de tomber dans quelque chose de vraiment sombre, mais cela n'empêche pas le film d'être profondément oppressant et parfois glauque par instants. On a évoqué les séquences référentielles, mais celles-ci n'auraient pas eu le même impacte sans la direction artistique qui, elle aussi, va pour assombrir l'ambiance du film. Cela est la plus grande force au film car, malgré le ton enfantin que peut avoir le discours et le récit, l'ambiance générale est vraiment originale pour un film grand public, ce qui en fait un objet de divertissement très exotique. Le film est conscient de cela et ne va pas hésiter à tirer la corde pour jouer là dessus. Il y a un travail remarquable au niveau des lumières (qui rappelle des œuvres de John Carpenter comme Prince des Ténèbres ou L'Antre de la folie) et surtout de la musique, composé brillamment par Dan Levy (J'ai perdu mon corps, Pendant ce temps sur Terre), qui rappelle John Carpenter mais aussi Fabio Frizzi et son travail sur la bande originale de Manhattan Baby. Chaque scènes deviennent hypnotisantes tant elles alignent plutôt bien des tons qui ne vont fréquemment pas ensemble. Le film se retrouve alors sur une fine ligne, qu'il joue à franchir par instant, mais dont il en mesure mal l'impact. On a des séquences dans les couloirs des bâtiments avec par moments des screamers, des animaux zombies qui courent vers le spectateur face caméra, les personnages sont souvent paniqués et dans l'urgence, et cela vient plomber très souvent l'ambiance générale du film qui devient parfois irrespirable. Les pointes d'humour sont nombreuses et le film se veut bon esprit, mais l'harmonie général est tellement en dent de scie que l'on arrive pas à redescendre l'adrénaline. A cela s'ajoute des scènes vraiment très graphiques qui parfois sont comme il faut, notamment une scène avec un kangourou qui est vraiment ingénieuse et audacieuse dans ce qu'elle propose, mais qui par moment sont beaucoup trop brutales, notamment un instant qui m'a rappelé une scène m'ayant été très marquante entre deux écolières dans l'épisode 1 de l'animé High school of the Dead. Le film en devient très lourd alors que le récit se veut très léger, et même si les scènes d'horreur sont bien dosé et qu'elles sont parfaitement exécutés, leurs accumulations et leurs insistances font qu'on n'arrive plus à pleinement profiter de ce qui se passe. Le personnage de Xavier vient partiellement désamorcer les moments les plus intenses, mais cela ne suffit pas pour corriger le ton général qui manque d'harmonie. A cela vient le final du film qui vient complètement briser l'ambiance générale dans une rupture de ton pas très adroite, qui tend vers une infantilisation hypocrite, après 1h20 d'un film particulièrement oppressant et brutal.


Une nuit au zoo est un film d'une créativité et d'une originalité fascinantes, qui n'hésite pas à faire les choses à fond, et qui donne de l'espoir en un cinéma d'animation grand public qui puisse éduquer les plus jeunes à ce qu'ils pourront voir adolescent, voire adulte. Malgré une animation rudimentaire et une gestion très inégale du ton générale, entre l'enfantin et l'épouvante, le film propose des séquences que vous ne retrouverez jamais ailleurs, et qui méritent d'être vu sur grand écran. C'est un film généreux et inspirant qui démontre la possibilité du cinéma d'animation à évoluer vers des genres trop souvent négligés auprès du jeune public. Le parfait film pour un Halloween en famille.


13,25/20


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le 26 oct. 2024

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Youdidi

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