Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi Quentin Tarantino et surtout Robert Rodriguez s'échinaient encore à rendre hommage au cinéma Grindhouse (que ce soit à travers le diptyque "Death Proof" / "Planet terror" ou encore "Machete") tant les deux larrons avaient rendu l'hommage ultime au genre avec leur "From dusk till dawn" en 1995, projet imaginé par le maquilleur Robert Kurtzman (le K de KNB qui offre ici des créations de toute beauté) qui commanda un scénario à Tarantino dans le but de le mettre en scène avant qu'on lui fasse bien comprendre que le projet irait finalement mieux au pote mexicain de QT.
Découvert peu avant la fin de la VHS par votre humble serviteur alors en pleine mue, "From dusk till dawn" est le genre de film qui semble avoir été créé spécialement pour les vidéoclubs, le genre de péloche que l'on se passe sous le manteau loin du regard parental et que l'on découvrait sans en savoir grand chose, internet n'ayant pas encore tué tout suspense. Si vous n'avez pas encore vu "From dusk till dawn" et que vous comptez le voir, évitez de lire ce qui va suivre même si je vais faire tout mon possible pour ne rien déflorer de l'intrigue.
Pendant une heure, le délire de Rodriguez et Tarantino est une parfaite symbiose de l'univers des deux trublions, reprenant la plupart des obsessions de Tarantino (ah les pieds) en le plongeant dans le style mariachi et décomplexé de Rodriguez. Une sorte de polar ultra-violent (quelle scène d'ouverture !) suivant la cavale de deux frangins criminels, magnifiquement campés par un George Clooney dégommant son image de beau gosse cathodique avec un bel aplomb suicidaire et par Quentin Tarantino en personne, cabotin en diable et étrangement attachant en psychopathe total. A leurs côtés, Harvey Keitel, impeccable, Juliette Lewis, loin de son rôle de tueuse hystérique de "Tueurs-nés" et le jeune Ernest Liu constituent leurs otages bien sages.
Une première partie prenante nous familiarisant avec les protagonistes d'un récit dopé à l'humour noir, dont on pense connaître l'issue mais qui va d'un coup nous plonger dans un autre monde. Un monde hanté par un être sublime (du moins en apparence) qui va gratter le vernis pour laisser apparaître la véritable nature d'un film complètement frappadingue.
Alors qu'il est plongé dans un maelstrom de musique tonitruante, de danseuses lascives, de gros durs en cuir et de tequila, le spectateur va soudainement assister à un silence religieux, les braillards ne pipant plus mots devant l'apparition enchanteresse d'une mamacita envoutante nommée Salma Hayek, vampant le public comme le spectateur lors d'une danse hypnotique à vous faire changer de pointure, numéro qui d'ailleurs m'apparut comme une révélation, me rendant soudainement compte que finalement, les filles c'est super chouette.
Et puis le premier sang est versé, et "From dusk till dawn" d'abandonner complètement le genre du film noir pour muter en autre chose que je tairais, en un immense délire régressif absolument con mais ô combien jouissif, le transformant en gigantesque série Z de luxe où tout peut arriver sans aucune logique ni cohérence. Si l'absurde et le millième degré ne vous font pas peur, si les gerbes d'hémoglobines vous excitent au plus haut point, alors le tournant que prend "From dusk till dawn" a mi-parcours ne vous rebutera pas. Et vous prendrez votre pied en compagnie d'un casting monumental (Cheech Marin; Danny Trejo; Fred Williamson et surtout Tom Savini en Sex Machine inoubliable) et devant des scènes instantanément cultes, le tout sur fond de Tito et Tarantula.
Hydre à deux têtes complètement folle doublée d'un bel hommage à la déconne entre potes, "From dusk till dawn" ressemble à une bonne biture sous le soleil plombant de Tijuana, un OFNI monumental qu'il faut découvrir vierge de toute information tout en sachant que son interdiction aux moins de seize ans à sa sortie n'est pas innocente (vous voilà prévenus), mais qu'il reste un des films les plus cools que la terre ai porté.