Pour son premier banc d’essai, il s’est fait une place sympathique sur le grand écran chinois, qui aura ensuite droit à un regard international. Son œuvre s’inspire des plus grands, mais soumet essentiellement un enjeu sociétal qui aura marqué la situation de vie pour les marginaux en Chine. Ceux qui auront vécu autour des usines rurales, où les ressources et les richesses suffisaient tout juste à subvenir aux besoins des habitants, sont les victimes d’une époque où la restitution de Hong-Kong aura eu un impact économique important. Dong Yue se réapproprie donc une enquête policière, autour d’un film noir qui oscille entre les vestiges d’une société à la dérive.
Le pays va donc mal et on pourra peu à peu le sentir dans cette ville, dont on lie intimement un destin commun. La pluie frappe sans cesse, d’où le titre qui inspire bien des métaphores et des allégories envers des personnages emprisonnés de leur condition. Cette pluie intensifie alors son influence négative sur le moral des habitants qui se laissent séduire par la facilité, pas par la fuite, ni par la peur, mais par le crime. Ceux qui n’ont pas déjà accepté leur sort, sauront éveiller le mal en eux et c’est justement la peur qui catalysera ces pulsions meurtrières. La chasse au fantôme commence alors. La police, impuissante face à la série de crimes qui continue de provoquer leur culpabilité, n’arrive pas à trouver cette paix. La transformation sociale fait qu’il n’existe plus d’espoir pour y puiser la volonté de se libérer. Nous sommes face à la fatalité, là où les préceptes n’ont pas de sens, si ce n’est nourrir cette angoisse qui pèse sur un visionnage monochrome de qualité.
Ce sera au chef de la sécurité d’une usine qu’on s’associe dans la quête de réponse et découverte. Yu Guowei (Duan Yihong) y verra le drame derrière cette obstination aux grands enjeux. Mais à titre personnel, cet ex-taulard ne sera pas non plus épargné par l’atmosphère qui finit par tromper tout le monde, jusqu’à ce que son esprit se brise. L’amour s’illustre donc amèrement, comme si cette décharge de tendresse n’a rien à voir, malgré le sombre registre qui impose des larmes de tristesse. Mais celles-ci sont très vite confondues et emportées par la météo, capricieuse comme cette ville qui stagne. La récompense qu’il cherche n’est donc pas seulement le rachat d’un passé gâché, non. Il cherche avant tout à se convaincre de la réussite pour le bien commun, au nom de tous ces habitants qui souffrent dans leur maladresse et leur fausses ambitions. L’illusion est totale et le spectateur aura le temps de se voiler la face durant cette traque incessante, qui opposera suspense et raison. Mais en quoi devons-nous réellement croire ?
En scrutant attentivement « Une Pluie Sans Fin », nous pouvons y discerner une once de « Memories of Murder », encore insubmersible par le temps ou tout autre ambiance qui s’en rapproche. Et la mythologie du film finit par se créer une propre identité, triomphant des autres œuvres transparents et sans convictions. On en voit peu de ce côté du continent et cela fait du bien de reconnaître des valeurs perdues, dont le souvenir doit rester intact dans le collectif. L’individu n’est qu’une goutte parmi tant d’autre, mais l’héritage lui, pourra laisser place à un torrent de sagesse. C’est en jouant sur le maniérisme, qu’on pourra reconditionner ces souvenirs et le réalisateur l’a bien compris.