Sentir les coups

J'aurais dû m'en douter. Un film sur le muay-thaï en milieu carcéral réalisé par le (trop) méconnu Jean-Stéphane Sauvaire, à qui l'on doit notamment Johnny Mad Dog, ne pouvait qu'être très brutal. J'y suis pourtant allé en baissant ma garde, ce qui n'a rendu la claque que plus spectaculaire.

L'une des grandes forces de Johnny Mad Dog résidait dans son hyper-réalisme qui virait parfois à l'insoutenable. En employant de véritables anciens enfants soldats dans son film, et sous l'effet d'une caméra trimballée, collant de près aux personnages, Sauvaire brouillait presque définitivement la frontière entre le cinéma et la réalité. Ici, les codétenus du personnage sont en fait d'anciens prisonniers thaïlandais, et l'absence de sous titrage des répliques en thaïlandais (c'est-à-dire les trois quarts du film) renforce grandement l'immersion.

Car cette Prière Avant l'Aube appartient à la rare catégorie des films sensoriels, qui se ressentent physiquement plus qu'ils ne se regardent. Autant le dire tout de suite, chacun des coups que prendra le protagoniste, chacune des humiliations qu'il va subir, vous les sentirez aussi. De même, sa rage destructrice vous prendra aux tripes pour ne plus vous lâcher.

Dans le fond, la structure est pourtant assez classique. Billy Moore, un boxeur britannique expatrié en Thaïlande finit en prison pour trafic de drogues. Evidemment, les prisons thaïlandaises n'ont rien à voir avec les françaises. Cellules insalubres ou les détenus dorment littéralement épaule contre épaule, toilettes à ciel ouvert, aucune eau courante, les conditions matérielles sont déjà exécrables. A cela s'ajoute la menace des autres détenus, dont certains, comme dans n'importe quelle prison du monde, sont capables de toutes les atrocités. Lorsque le gardien ripou qui lui faisait passer de la drogue arrête l'approvisionnement, Billy doit faire face à une crise de manque d'une grande violence. Il va la surmonter en rejoignant le club de muay-thaï de la prison, où il va très vite devenir l'un des combattants les plus redoutables.

L'émancipation par le sport, et qui plus est le sport de combat, donc. Ce qui différencie principalement le film des dizaines d'autres du genre, c'est avant tout la réalisation ultra nerveuse, qui colle au personnage. Joe Cole, possédé, passe des larmes à la colère dans une performance assez impressionnante. Un énorme travail a également été fait sur les bruitages, particulièrement lors des scènes de combat. On se souviendra d'ailleurs de cet ahurissant plan séquence d'un combat d'anthologie, d'une violence assez extrême, duquel Billy Moore sortira vainqueur, mais le visage défoncé. Ses victoires ne se ressentent d'ailleurs jamais totalement comme telles, puisqu'elles s'accompagnent de séquelles physiques intenses.

Adapté du livre autobiographique du même nom écrit par le vrai Billy Moore (qui a d'ailleurs un caméo dans le film), A Prayer Before Dawn n'est ni vraiment un film de boxe, ni vraiment un film de prison. Il est surtout un film de survie dont on ressort avec l'impression d'avoir encaissé les mêmes coups que son héros.