Je suis pas super fan de Jean Eustache (le mot est faible) mais lorsqu'on m'a dit qu'il avait fait un film dans lequel la même longue histoire est racontée de deux façons différentes par deux acteurs différents, mon côté OuLiPien s'est dit "je dois voir ça" même si, soyons honnête, ma curiosité a surtout été motivée parce que le film est gratuit sur YouTube et que j'avais temporairement épuisé ma liste de films à regarder.
Et, j'ai... en quelque sorte.... bien aimé. C'est loin d'être incroyable (c'est juste un acteur qui parle et des gens qui l'écoutent) mais c'est globalement inoffensif. Bon, j'épiloguerais pas sur l'histoire : c'est juste un mec qui explique qu'il a une eu une période voyeuriste où il matait le sexe des femme par un trou dans un café.
Ce qui est marrant c'est que c'est filmé comme si les personnes étaient en train d'improviser leur texte, de les raconter à des amis dont on aurait filmé la discussion, mais le fait que ce soit la même histoire, au mot près, ramène à l'artifice du procédé. Pour le coup, on est dans une démarche inverse de la Maman et la Putain : alors que dans le premier, les dialogues très écrits étaient déclamés de façon un peu robotique, ici on a l'impression de réel qui me parle plus, le côté "ça rend vrai" a fonctionné sur moi, et ce même si je venais de voir e-xac-te-ment la même discussion dans le film d'avant. La seule différence entre les deux versions étant que dans la deuxième version on ne voit pas les femmes qui adressent des répliques au locuteur mais qu'on filme sa réaction à leur questions.
Ce qu'il y a de prenant, c'est que l'histoire a pris un cachet "histoire d'il y a 50 ans" : l'homme qui descend dans un petit bistrot pour téléphoner, les toilettes mal foutues la façon de parler, le rapport à la femme qui fait très "mec parisien" alignant les rencontres. Il y a un côté "bourgeoisie dandy" disparue.
Après, on reste dans ce genre de film qui m'horripile par son côté "recherche du mystère féminin" avec un homme en train de raconter pourquoi celles-ci sont intrinsèquement différente des hommes alors que ce qu'il dit n'engage que lui. Y a un côté très bourgeois dans cette histoire d'un mec qui raconte quelque chose de misogyne et les femme l'écoutent en mode "whaaa, quelle histoire géniale" (dont Françoise Lebrun, coucou.) Et puis la réflexion sur "un homme qui montre son sexe, c'est comme un petit garçon il peut pas vous faire de mal" ça sort VRAIMENT d'un mec des années 70 qui n'a jamais discuté avec une victime d'agression sexuelle. On est vraiment sur le côté "homme qui s'écoute parler" et j'ai absolument aucun point d'accord avec ce que raconte le locuteur.
Je l'ai vu comme une capsule temporelle pour le coup et comme un film qu'il faut pas vraiment prendre au sérieux. (Ha et Michael Londsdale est meilleur raconteur que Jean-Noël Picq, voilà, c'est dit.)