Soyez prévenus avant d’entamer ce mélancolique voyage rythmé par le bruit monotone des gouttes d’eau qui s'échouent sur un sable détrempé. Il vous faudra mettre de côté une petite réserve de bonne humeur pour être à même de donner le coup de talon qui vous ramènera à la surface en fin de séance. Une si jolie petite plage est un destructeur d’allégresse ; pas une de ses séquences n’est épargnée par un désespoir chronique, le même qui plane dans la région oubliée par le soleil où Yves Allégret fait se rencontrer des personnages aux vies routinières rassurantes mais peu stimulantes.
Tous semblent résignés, maussades mais pas malheureux pour autant. Certains se satisfont de leur condition parce qu’ils ont connu pire, d’autres n’ont comme unique choix celui de composer avec les cartes peu avantageuses qu’on leur a servies, d’autres encore semblent faits pour l’endroit, à l’image de cette taulière à la langue bien pendue qui fait tourner l’unique hôtel de la région. Il y a bien quelques caractères un peu plus forts que les autres, qui comprennent que les apparences sont trompeuses. Ceux là parviennent à faire de ces petits moments insignifiants de la vie, d’une cabane isolée près de l’océan, d’une main tendre motivée par le réconfort, des petites parcelles de bonheur égoïste leur permettant de trouver le courage de continuer à lutter contre vents et marée vers un futur qu’ils essayent d’imaginer plus ensoleillé.
Il est souvent dit que la simplicité est aussi difficile à entreprendre qu’elle est efficace lorsqu’elle est atteinte. Yves Allégret prouve dans une si jolie petite plage qu’il suffit de peu pour provoquer empathie et sentiment. Usant jusqu’à plus soif de l’aisance pour le noir et blanc expressif, tout à tour poétique ou réaliste, de Henri Alekan et prenant pour prétexte les dernières heures d’un assassin qui n’a pas cœur à tuer, le cinéaste brosse un portrait affreusement mélancolique d’un homme qui n’a pas manqué de se débattre avec le peu d’instinct de survie qu’il avait pu se forger sans jamais avoir pu contrecarrer les plans d'un destin maudit, seul métronome de sa triste vie.