Une Sirène à Paris : L'écume d'une histoire

Adapté de son roman éponyme, le second long-métrage de Mathias Malzieu intitulé Une sirène à Paris, a le mérite de créer un univers ravissant dans lequel Gaspard (Nicolas Duvauchelle), crooner au cœur brisé s'était juré de ne plus retomber amoureux jusqu'à ce que la Seine vienne déposer Lula (Marilyn Lima), jolie sirène au chant destructeur, qui emballe les cœurs des marins pêcheurs jusqu'à les faire exploser. 


Il faut aussi reconnaître que, malgré cette affiche lissée de grands studios, Mathias Malzieu est un véritable auteur, un raconteur d'histoires tout autant qu'un réalisateur et qu'un compositeur puisque c'est aussi lui, artiste-musicien-chanteur du groupe Dionysos, qui a composé et écrit la musique du film. Dans Une Sirène à Paris, oeuvre dans laquelle il y a mis tout son cœur, M.Malzieu métaphorise sa vie partagée avec Olivia Ruiz et son amour fou pour sa aujourd'hui ex-compagne. À la manière d'un Boris Vian, certainement biberonné à L'écume des jours, le réalisateur sert un conte moderne qui oscille entre drame fantastique et poésie. La colorimétrie, les lumières et l'humour rappellent le cinéma de Jeunet et Caro tandis que les décors et les accessoires se rapprochent du fabuleux Edmond d'Alexis Michalik, clin d’œil assumé puisqu'on le retrouve dans le rôle d'une victime de la sirène Lula, hantant l'oeuvre de son spectre à coup de surimpressions de son visage sur la toile.


Servi par un casting trois étoiles (Romane Bohringer, Rossy de Palma,…) cet univers ne parvient pourtant pas à convaincre, manquant surtout et essentiellement d'une véritable tension scénaristique. Par exemple, cette dernière est absente du personnage joué par Romane Bohringer dans le rôle de méchante qui n'est pas plus menaçante qu'un poisson-clown. À force d'incruster son film d'un trop plein de musiques, le son devient assourdissant alors que l'image, censée être l'élément essentiel du cinéma, est trop silencieuse. Le thème du rêve, celui de l'amour, le jeu des acteurs et des actrices ainsi que les décors ne suffisent pas à raconter une histoire dans laquelle le spectateur manque de place pour s'y sentir véritablement comme un poisson dans l'eau. En effet, il ne suffit pas que les personnages s'exaltent du caractère salvateur de l'inventivité : "L'inventivité peut changer le monde, du moins le sien" pour que cette dernière soit totalement effective. Peut-être que je pinaille sur les détails mais je dirai que tous les détails sont à leur place, manque plutôt de la chair à ce corps décharné du récit. 


À trop vouloir immerger son spectateur en oubliant de le faire participer, M.Malzieu se fait sourcier d'une entreprise qui tourne légèrement en eau de boudin. Dommage car je suis et je serai toujours le premier à encourager ce type de projet mené par des auteurs ! Un film divertissant au monde merveilleux, inspiré de réalisateurs inspirants, qui manque immanquablement de tension. 

Pout
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le 4 mars 2020

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