Au soir d'une vie d'épreuves, qu'en reste-t-il?
La caresse de la caméra distante et sensible de Stéphane Brizé au service d'un souvenir, de souvenirs, un flux de conscience et du visage et des gestes de Judith Chemla, présente en presque chaque plan.
A la deuxième vision le film est plus grand encore. Et pourtant il perd quelquechose. Sa fragmentation au premier regard se mue en linéarité, des scènes qui semblaient détachées de tout rapport chronologique en prennent un, et annoncent en fait des scènes à venir. Plus surprenant tant de gestes et de confidences passées inaperçus au premier regard, se révèlent.
C'est déjà un autre film. Et c'est la marque des grands films.
Quelle photographie aussi, habitée de tant d'humilité.
Et quelle lumière est Judith Chemla pour le film.
Savions-nous que nous avions un si grand cinéaste en France?
Et une telle comédienne, offrant une telle disponibilité à l'oeuvre de son être au monde.
Il y aurait aussi beaucoup à dire sur le montage singulier du film, sur la manière de Brizé de traduire la réminiscence, sur les espaces vacants, les ellipses qui nous laissent construire en nous le personnage de Jeanne, à travers ces vides, sur la grammaire du montage qui font dialoguer ensemble deux moments du temps.
Sur la manière qu'a eu Brizé de traduire les saisons, les années, à travers ces ellipses. Sur la manière dont il su traduire le rapport à la nature de Jeanne (et plus pragmatiquement tous ces plans longuement filmés sans savoir ce qu'il en ferait) à travers un usage de voix-off issue d'autres scènes dont seul le son parfois a été conservé.
Sur la manière dont cela se rapproche (sur le montage, sa grammaire, comme sur le son) du travail récent de Terrence Malick, sans pour autant, semble-t-il que Brizé en ait eu conscience.
Il y aurait tant à dire et donc j'espère mettre à jour cette note.