Voir de bons films est évidemment agréable et est le souhait de tout spectateur. Cela l’est d’autant plus lorsque l’on découvre le film totalement par hasard et que celui-ci s’inscrit dans la lignée des films d’un de ses cinéastes préférés. Le film en question est ‘Une vie à t’attendre’, une sorte de variation des films de Claude Sautet, signé Thierry Klifa.
Alex tient un restaurant à Paris avec son frère, Julien, et Camille, sa meilleure amie. Alors qu’il s’apprête à faire sa vie avec Claire, il retrouve par hasard Jeanne, son premier amour, de retour à Paris pour voir sa mère, après douze ans d’absence. La vie de tout le monde bascule au moment où Alex doit faire face à ses choix.
Si Thierry Klifa a signé récemment une excellente comédie (‘Les rois de la piste’ avec Fanny Ardant), il est en réalité un cinéaste inégal, dont le plus gros défaut est de ne jamais se différencier des maîtres dont il prétend s’inspirer. ‘Les yeux de sa mère’ était une variation pénible et larmoyante des films de Pedro Almodovar mais sans en avoir le génie du cinéaste espagnol.
Ici, le cinéaste français s’inscrit très clairement dans la continuité des films de Claude Sautet et se ses cœurs à prendre. On retrouve l’atmosphère des films du cinéaste français avec cette peinture chorale de la bourgeoisie parisienne, ces mariages pluvieux comme dans ‘César et Rosalie’, ces accidents comme dans ‘Les choses de la vie’. Alex tient un bistrot comme Yves Montand dans ‘Garçon !’. Le cinéaste fait appelle à la Danielle Darrieux de ‘Quelques jours avec moi’.
Comme dans les films que réalisa Sautet dans les années 70, Thierry Klifa orchestre assez brillamment son film choral avec Alex, le personnage central autour duquel gravitent une mère, une amie, un frère, une fiancée, un ancien amour. Comme chez Sautet, Klifa se concentre sur les liens entre les personnages, leur vie quotidienne, leurs fêlures.
Le film aurait pu également s’intituler ‘Les regrets’ tant tous les personnages semblent en avoir. Entre celle qui regrette d’avoir choisi une vie rangée, celle qui regrette de s’être mariée, celui qui regrette d’être passé à côté de sa vie. Face à eux, il y a le beau personnage de la mère de Jeanne, magnifiquement interprétée par Danielle Darrieux, qui elle ne semble rien regretter et semble avoir vécu selon ses souhaits et désirs sans jamais regarder derrière elle.
Ce qui frappe dans le film, c’est l’amour que Thierry Klifa porte à ses comédiens qu’ils dirigent excellement. Nathalie Baye est parfaite comme d’habitude, tout comme Géraldine Pailhas avec son air mutin et ses silences qui en disent long. Anouk Grinberg est d’une étonnante sobriété. Mais celui qui m’a bluffé, c’est Patrick Bruel qui livre une performance étonnante, particulièrement émouvante. Je l’ai toujours trouvé bon comédien, mais il rend souvent ses personnages cyniques et très antipathiques. Ici, au contraire, on ressent beaucoup d’empathie pour lui car il est vraiment bouleversant.
J’ai également beaucoup aimé la mise en scène de Thierry Klifa. Il y a beaucoup de plans de reflets, qui mettent les personnages au même plan, au même niveau bien qu’ils ne soient pas à côté l’un de l’autre. Ils semblent ensembles, réunis mais sans l’être réellement. Le cinéaste joue également beaucoup des regards qu’on ne lance jamais directement, mais en biais quand personne ne regarde.
Le premier film de ‘Thierry Klifa’ est une belle réussite, un joli coup d’essai qu’il ne reproduira pas sept ans plus tard avec ‘Les yeux de sa mère’, film choral cette fois façon Almodovar. Étonnamment mal noté sur Allociné par les spectateurs (2,1/5) et sur SensCritique (4,6/10), ‘Une vie à t’attendre’ est pourtant un film que je recommande vivement.