Une vie ailleurs, l’histoire d’une mère par Olivier Peyon

Felipe a été enlevé à sa mère il y a quatre ans de cela, emporté par son père en Uruguay, confié à sa grand-mère et à sa tante une fois son géniteur décédé. Déterminée à retrouver son enfant, Sylvie va tout mettre en œuvre pour ramener son fils en France, quitte à l’enlever à son tour…


          Ce nouveau long-métrage du réalisateur Olivier Peyon, qui succède à Comment j’ai détesté les maths et Les Petites vacances, est le fruit d’un combat harassant. Le metteur en scène et son équipe luttent en effet depuis 2015 pour financer leur projet et le porter à l’écran, désireux de faire connaître l’histoire de l’un des amis du réalisateur, kidnappé par son père il y a de cela trente ans. Ce film lui est dédié et traduit avec pudeur et sensibilité ce drame familial. Une vie ailleurs est représentatif de son travail de création : il possède ses cicatrices et ses petits défauts qui ne lui enlèvent en rien son mérite et sa justesse. Ce film a pu en outre se baser sur les prestations irréprochables de Isabelle Carré et Ramzy Bedia, campant respectivement cette mère de famille blessée et combative et l’assistant social venu lui prêter main forte, tiraillé entre sa conscience professionnelle et ses convictions humaines. Partis tous deux en Uruguay, les deux personnages vont suivre le plan tracé par Sylvie, mère désespérée mais bien décidée à récupérer l’enfant que son ex-conjoint a emporté loin d’elle. Peu avenante voire carrément antipathique, cette femme fait preuve d’une retenue constante et pourtant mal maîtrisée tant on sent ses émotions poindre à chaque prise de parole, n’attendant qu’une crise pour exploser au grand jour. Comme toujours, Isabelle Carré se montre impeccable dans ce rôle ambivalent, qui attire la compassion comme l’incompréhension, tant cette mère se montre bouleversante et fragile, tiraillée entre ses espoirs de renouveau et ses remords quant à ses comportements passés et son identité de parent.

Seule présence masculine du film, hormis le jeune Felipe, Mehdi (Ramzy Bedia) a bien saisi toute l’ambivalence de Sylvie et la dangerosité cachée sous cet apparent contrôle. Engagé dans cette mission et chargé de localiser et de ramener l’enfant à sa mère, cet assistant social s’engouffre progressivement dans le quotidien du jeune garçon et découvre sa famille « adoptive », composée de la grand-mère et de la tante de l’enfant. Deux figures féminines et maternelles au caractère fort et aimant, qui tentent tant bien que mal d’élever Felipe et de combler le vide causé par sa mère disparue, laissée pour morte par son ex-conjoint. La présence lumineuse de ces deux personnages, devenue si essentielle au développement et au bonheur de cet enfant, remet en question la quête première de Mehdi et son engagement envers Sylvie.


En effet, une question centrale parcourt le récit de Une vie ailleurs, qui n’est autre que celle de la parentalité. Quels sont les droits de Sylvie sur cet enfant qu’elle n’a pas vu depuis de longues années et qui ne se doute même pas de son existence, qui ne saurait la reconnaître s’il la croisait dans la rue, elle qu’il n’a pas vu depuis l’âge de cinq ans ? Que vaut cette idylle imaginée par la mère face à la vie que Felipe a réussi à construire dans son pays d’accueil, guidé par Maria et Norma, seule famille connue jusqu’ici par l’enfant ? Autant de problématiques qui sont amenées progressivement dans le récit et soulevées unes à unes par le personnage de Mehdi qui tisse une complicité toute particulière avec le jeune garçon. Une relation qui finira par lui ouvrir les yeux sur les besoins réels de l’enfant et calmer les attentes de Sylvie, mère impulsive et rongée par la douleur. Décidée à emmener son fils loin de sa famille, cette femme fait preuve d’un esprit obtus qui mettra à mal sa relation avec l’enfant et entraînera la colère de l’assistant social, désormais totalement engagé dans la protection du jeune garçon. À travers son comportement, Sylvie questionne la maternité et les responsabilités qu’incombent à une mère envers son enfant, celle notamment de la nécessité – parfois douloureuse – de faire passer le bonheur de ce dernier avant le sien propre, quitte à le perdre définitivement.


Pour conclure, je ne saurais que vous conseiller cette œuvre pour les questionnements qu’elle soulève, essentielles à mes yeux. Même si le film souffre de certains défauts techniques et d’une narration à mon sens trop linéaire – pourtant nécessaire au propos, je le conçois – il n’en demeure pas moins une œuvre pleine d’espoir, bercée par le soleil et les décors chaleureux de l’Uruguay. L’interprétation de ses cinq acteurs principaux est à souligner, avec dans un premier temps celle de Mariá Dupláa, révélation de cette œuvre au côté du jeune Dylan Cortes. Mais également celle de Ramzy Bedia, qu’on adore découvrir dans un rôle neuf, faisant preuve d’une sensibilité et d’un aplomb remarquables, particulièrement brillant dans les scènes partagées avec son jeune acolyte Cortes. Un film à soutenir en salles, définitivement.


Scotchés

Scotches
6
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le 27 mars 2017

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