Le duo Dino Risi / Alberto Sordi trouve un équilibre assez fascinant à mes yeux au sein de la comédie italienne de la grande époque, que ce soit dans les tonalités adoptées (comédie, drame, guerre, historique, critique sociale), dans la diversité des coups portés (médiocrité intellectuelle des uns, arrivisme des autres, sur fond de chronique nationale très caustique) et dans la finesse de l'écrin qui encapsule l'ensemble (photographie impeccable, nombreuses séquences marquantes par leur bouffonnerie ou leur dimension tragique). Dans Une vie difficile, le personnage principal parcourt un bout d'histoire italienne du milieu de la Seconde Guerre mondiale jusqu'aux années 60 (le film sort en 1961) en endossant les costumes de résistant antifasciste ou de rédacteur dans un journal clandestin, constamment sous le regard d'une jeune femme qui le renverra systématiquement à ses compromissions.


C'est clairement la dynamique de leurs rapports qui irrigue en secret le récit, oscillant sans cesse entre des phases d'attirance et de répulsion. À chaque compromission, à chaque manifestation de sa veulerie passagère, un regard foudroyant de Lea Massari vient le rappeler à l'ordre, et le voilà reparti sur des rails, pendant un certain temps du moins. Risi s'applique à montrer comment l'intégrité de Sordi se solde systématiquement par des mésaventures (professionnelles ou financières, pauvreté ou prison), de manière certes un peu systématique, mais toujours avec un pied dans la comédie pour huiler la mécanique. Les scènes mémorables sont assez nombreuses, celle où complètement bourré il crache sur les voitures des riches touristes, celle où dans un moment de misère il se faufile dans une maison bourgeoise et monarchiste avec sa femme pour se remplir la panse grassement (pendant le référendum qui installera la république), ou encore cette claque finale pour mettre un terme à une énième humiliation de la part de son employeur, un riche homme d'affaires. Mais Risi reste très lucide : le happy end n'en est pas du tout un, on sait très bien qu'il ne s'agit que d'une phase "positive" avant la prochaine rechute.


Dans cette optique Alberto Sordi compose un rôle vraiment attachant, un enthousiaste de son époque participant à toutes les luttes et baignant dans un idéalisme à géométrie variable, mais dans le fond très honnête. Parfois pathétique, parfois vertueux, parfois minable. Juste très maladroit et à ce titre victime des aléas caractéristiques de la société italienne d'après-guerre : libération, élections, renouveau économique (drôle d'apparition de Vittorio Gassman dans un péplum), et diverses déceptions politiques sur fond d'opposition nord / sud entre les différentes régions. La dynamique de la narration maîtrise la rupture de tons avec malice, alternant entre gravité (on frôle l'exécution pendant la guerre) et situations plus ironiques ou émouvantes. L'histoire d'un homme doté d'idéaux, mais soumis à une pression extrême de la part des secteurs économiques, familiaux et politiques qui le conduira d'échec en échec, en essayant de ne jamais perdre la face. Du néoréalisme classique gonflé à la comédie burlesque et aux désillusions tenaces, en un sens.


https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Une-vie-difficile-de-Dino-Risi-1961

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le 21 juin 2023

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Morrinson

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