Nicole est une femme touchante, excessive et maladroite. A 52 ans elle entretient une relation étouffante à la limite toxique avec son fils Serge étudiant.
C'est aussi une femme sans travail à qui son banquier dès la deuxième scène, confisque son chéquier et sa carte bleue. Surendettée, sans emploi, elle s'enfonce peu à peu dans le désespoir tout en essayant coûte que coûte de sauver les apparences en cette veille de Noël. Le cadeau particulièrement inadapté qu'elle offre à Serge le soir du réveillon déclenche une scène d'une incroyable violence verbale et physique et scelle la rupture entre la mère et le fils. Désormais seule, Nicole plonge chaque jour un peu plus jusqu'à ce qu'elle aille prendre un café dans le bistrot de la cité HLM où elle vit. La rencontre avec Norah la propriétaire du bar sera déterminante.
Compte tes blessures le premier film de Morgan Simon évoquait les relations d'un père et son fils. Ici s'il est encore question d'un fils (et la ressemblance physique entre le réalisateur et Félix Lefebvre est assez impressionnante), ce sont les femmes qui sont mises à l'honneur. Les femmes et leur étonnante capacité à se relever, à s'unir et s'entraider. Ce cinéma me touche infiniment car malgré le désespoir accablant de la première partie, il montre que la lumière peut parfois finir par entrer, donner de l'espoir et des perspectives aux personnages les plus terrassés par la vie. Même s'il y a peut-être une petite part de naïveté dans cet espoir, car dans la vraie vie la rencontre providentielle (avec notamment une employée de France Travail particulièrement zélée quant au respect du Code du travail) n'est hélas pas toujours évidente, je trouve aussi que laisser entrer la douceur et le soleil est plutôt juste.
Dans cette histoire de déclassement et de solitude on trouve un appartement dans une cité lugubre et un bar à chicha qui servent de refuges et des êtres cabossés tous plus touchants les uns que les autres. Le réalisateur refuse la noirceur absolue même s'il peut subsister des incompréhensions entre les jeunes de la cité et des femmes trop libres. Nicole n'en veut à personne, elle ne comprend simplement pas comment elle peut en être à ce niveau de dénuement après avoir travaillé toute sa vie sans faire d'excès ni de folie. Ce film n'est pas un film politique, de lutte c'est l'histoire tendre de laissés pour compte qui savent qu'ils ne peuvent que compter sur eux pour s'en sortir.
Pour soutenir ce film que j'ai adoré, il y a trois acteurs, les merveilleuses Valeria Bruni Tedeschi et Lubna Azabal et le formidable Félix Lefebvre et son lumineux sourire. Un hommage (involontaire) à Alain Delon permet d'entendre "des mots tendres enrobés de douceur" qui conviennent parfaitement et que l'on a envie d'offrir à ces personnages tellement attachants.