Même si j'ai déjà vu 3 ou 4 de ses films je ne peux pas dire que je connaisse vraiment Jésus Franco, surtout si l'on rapporte ce maigre bilan à la pléthorique carrière d'un metteur en scène qui sous divers pseudonymes a réalisé plus de 200 films. Au moment de la sortie du film Une Vierge Chez les Morts-vivants en 1973, ce stakhanoviste de la mise en scène compte déjà de 50 films au compteur. Une Vierge Chez les Morts-vivants qui connaîtra plusieurs titres au gré de son exploitation et un film qui possède également une durée variable qui va de 80 à 105 minutes puisque certaines versions sont agrémentées d'images supplémentaires tournées notamment Jean Rollin et que d'autres sont clairement censurées de plusieurs minutes comme la scène du viol lors de la sortie anglaise du film.
Une Vierge Chez les Morts-vivants raconte l'histoire d'une jeune fille qui se rend dans une immense demeure perdue dans la campagne afin de rencontrer sa famille pour la lecture du testament de son père tout juste décédé.
Initialement intitulé La Nuit des Etoiles Filantes le scénario écris par Jésus Franco comportait moins de 50 pages soit environ une moitié de film. Forcément, pour atteindre la durée d'un long-métrage le réalisateur se retrouve souvent contraint d'étirer ses scènes bien plus que de raison. Pourtant cela convient plutôt bien à un film qui ressemble du coup à un long et étrange cauchemar dont l'héroïne semble ne jamais pouvoir se réveiller. Si le film comporte de nombreux moments complètement surréaliste, étrange, amusant et totalement bis, Une Vierge Chez les Morts-vivants est aussi un film dans lequel on retrouve une forme de poésie morbide onirique et certaines scène sont même de véritables réussites comme lorsque la jeune héroïne parle avec son père mort et que ce dernier s'éloigne lentement dans les ténèbres sur un fauteuil digne d'un funeste trône avec à ses côtés comme une étrange ombre malveillante la princesse des ténèbres. On pourrait bien sûr ne faire que se moquer des aspects les plus Z de cette production mais il se dégage du film une singulière ambiance qui le rend assez unique en son genre. Encore une fois le fait de prolonger les séquence parfois jusqu'à l'ennui, jusqu'au malaise et jusqu'au ridicule plonge le spectateur dans une sorte d'engourdissement hypnotique.
Même si le film mérite d'être traiter autrement que comme un simple nanar, il contient tout de même plusieurs séquences qu'il me semble impossible de regarder sans sourire. Je retiendrai plus particulièrement cette scène durant laquelle le notaire marmonne et baragouine le fameux testament en avalant la moitié de ses phrases provoquant l'ennui poli, l'endormissement et même le ronflement sonore d'un interlocuteur. La longue séquence durant laquelle cette improbable famille se lance dans une oraison funèbre en bredouillant de manière maladroite et approximative des phrases en latin entrecoupées de chants neurasthénique qui font "la la la la Amen" mérite à elle seule de regarder le film. On s'amusera aussi beaucoup en voyant Jésus Franco qui interprété une sorte d'homme à tout faire un peu débile qui semble parler en oubliant systématiquement la quasi intégralité des consonnes de ces phrases ce qui donne de magnifiques dialogues comme Egiiii aveooooo uuuuuiiiiga" (Je cites de mémoire). Et puisque l'on parle du casting on retrouve avec plaisir ce bon vieux Howard Vernon qui interprète tonton Howard aussi à à l'aise pour faire très mal semblant de jouer du piano que de faire subir les ultimes outrages à sa propre nièce. Tout aussi fantastique que érotique le film et aussi porté par la beauté et l'absence manifeste de frilosité de ses différentes comédiennes comme Christina Von Blanc et Alica Arno qui passent une bonne partie de leur temps à se promener à moitié dévêtue.
Une Vierge Chez les Morts-vivants est film complètement atypique parfois très amusant dans ses errances et parfois très jolie dans ses maladresse. Si Jésus Franco est bien loin de tout réussir il donne incontestablement à son film une ambiance, un rythme et une identité assez unique en son genre. Ce long cauchemar qui n'est jamais effrayant, qui semble parfois ridicule, qui défie la souvent logique et la raison et qui plonge le spectateur dans le coton comateux et anesthésiant d'un rêve éveillé reste dans sa globalité un voyage assez fascinant.