Deux ans après la sortie d'Emmanuelle, Catherine Breillat réalise son premier film. Malheureusement très lent et économe en dialogues ce qui le rend moins accessible, il a le mérite de n'être pas timoré et de montrer les fantasmes sexuelles d'une adolescente parachutée chez sa famille repoussante dans une campagne morne au possible.
D'une façon radicalement opposée à la bien-pensance sexuelle bourgeoise et macho d'Emmanuelle, Breillat a le courage de ne pas s'auto-censurer et de montrer que l'esprit des jeunes filles de l'époque était beaucoup moins propret que ce qu'on voudrait croire. Utilisant l'environnement comme repoussoir (père grossier, pré avoisinant couverts de déchêts et autres sacs plastiques, animaux de la ferme qu'on égorge, toilettes boueuses, mouche bourdonnante pendant une séance de masturbation), elle crée un climat franchement crade pour une fille qui s'abandonne à des désirs sado-masochistes pour le premier playboy venu, qui à cause des conventions sociales d'alors (fiançailles) ne répondra pas à ses avances.
On a mieux qu'ailleurs le sentiment que les désirs sexuels des jeunes sont bridés par des adultes qui ont une peur panique de la révolution sexuelle (le commentaire de la mère qui traite sa fille en bikini de putain). Donc tout se passe dans le cerveau de l'héroïne, dans des séances oniriques inassouvies dans la réalité. Ce film-pamphlet, courageux, connaîtra d'ailleurs le même sort que les rêves de sa protagoniste, puisqu'il ne sortira qu'en 1999, après 24 ans de censure.