Un film à défendre
Les combats locaux pour la défense de l’environnement, en particulier en France où la propagande étatique les assimile à une forme de terrorisme, n’ont guère suscité pour le moment d’intérêt au...
Par
le 19 juil. 2023
7 j'aime
2
Voir le film
Est-ce qu'un film doit nous faire percuter sur un sujet ? Doit-il m'apporter des émotions ?
Oui et oui.
Mais Une zone à défendre, malgré de bonnes intentions, et un début prometteur, ne m'apporte rien concernant la première question. Pourtant il aborde un sujet d'actualité, les ZAD. Qui malheureusement ne servira que de toile de fond. Parfois on entre dans les détails, mais finalement nous ne saurions rien de sa forme exacte, de celles et ceux qui les défendent. Seul un mot clef sur une bibliothèque donnera un détail, tellement vide de sens tel quel, Anarchie. Pourtant le portrait de Myrian est bien esquissée, jeune femme libre, détachée des choses matérielles, y compris de l'administration en refusant de déclarer son fils à l'état civil. Reprenant en cela une démarche anarchiste apatride. Greg va se heurter à cette logique qu'il ne comprend pas, lui, le pur produit du système, un de ses gardiens. Le choc culturel n'ira malheureusement pas plus loin. Et c'est dommage, il y avait une vraie matière, une véritable source de réflexion. Sur nos modes de vie, ce qui fait le vivre ensemble. Car la ZAD, même traversée de conflits internes, reste un foyer accueillant et solidaire.
Donc sur ce point, le film est creux. Heureusement, il évite pas mal de clichés, renvoyant dos à dos, chaque belligérant à sa propre violence. Reste l'approche politique, là aussi présentée trop brièvement. Les objectifs ne sont pas clairs, ils changent sans que l'on comprenne pourquoi, et on se demande même pourquoi l'état devrait dépenser autant d'énergie et de moyens pour quelques hectares de terre et de bois qu'il vaudrait mieux finalement laisser en paix.
Là où le film accroche plutôt bien, ce n'est pas tant l'histoire d'amour (impossible) entre Greg et Myriam, mais plutôt la découverte de la paternité par Greg. Elle lui tombe dessus sans prévenir et désaxe d'un coup tout son équilibre. C'est quoi être père en termes de valeurs ? Peut-on abandonner un enfant pour une cause soi-disant supérieure ? La tentation de la désertion grandit en Greg, car seule la fuite lui semble viable. Dire la vérité détruirait tout. Mais peut-on passer de chien-loup à loup ? L'instant, fugace, où pourrait se faire le volte-face va passer sans pouvoir se représenter. Alors fuir, oui, mais lâchement. Les deux mondes sont étanches, il rejoint le sien la queue entre les jambes, et la culpabilité aux tripes. Laissant Myriam, véritable louve, remuer ciel et terre pour le retrouver, y compris en abandonnant ses combats. "Vous êtes ce qui m'est arrivé de mieux ; vous êtes ce que j'ai fait de pire" lui laissera t-il en forme d'aveu et d'adieu.
Le tout est porté avec une photographie magnifique quand l'enfant est dans le champ. Des scènes à la Terrence Malick dans The tree of life. Mais le "vrai" monde, celui de Greg, est d'une banalité affligeante, vide et sectaire. Il est filmé tel quel. Il s'oppose pourtant à celui de la forêt, celui des chants d'oiseaux, celui des mousses et des feuilles, qu'il peut détruire à tout instant sur une simple décision administrative et à grands renforts de débardeuses. Là, ce sera reçu en fonction de la sensibilité du spectateur.
Si les personnages secondaires ne sont jamais développés, il faut reconnaître que François Civil joue ce rôle de flic sectionné émotionnellement à la perfection. Lyna Khoudri est fascinante en passionaria. Elle dégage une force mentale indéniable, elle impressionne, elle domine. Le genre de femme qui renverrait tout machisme à sa bêtise profonde sans autre forme de procès. Quant à l'enfant, il est tout bonnement génial. Je n'ai pas vu les autres films de Romain Cogitore, mais visiblement, il aime projeter ses personnages dans des situations de rupture. Un réalisateur à suivre. Un dernier mot sur la musique, enveloppante et expressive. Une musique faite de cordes et de percussions façon Tambours du Bronx.
Au final, un film qui aurait méritait de mieux travailler son scénario, mais c'est bien parce qu'il donne envie d'en savoir plus que j'émets cette critique.
Créée
le 19 juin 2024
Critique lue 19 fois
D'autres avis sur Une zone à défendre
Les combats locaux pour la défense de l’environnement, en particulier en France où la propagande étatique les assimile à une forme de terrorisme, n’ont guère suscité pour le moment d’intérêt au...
Par
le 19 juil. 2023
7 j'aime
2
Honnêtement difficile de ne pas s'attendre à autre chose qu'un film sans surprise lorsqu'on découvre ce projet Disney mais finalement il a des atouts à défendre.Commençons directement par ses temps...
Par
le 8 juil. 2023
7 j'aime
Un agent de la DGSI infiltre une ZAD et tombe amoureux d'une zadiste à dreadlocks, ce qui chamboule ses convictions et ses ambitions de carrière.Avec un tel pitch, et le fait qu'il s'agisse d'une...
Par
le 10 juil. 2023
3 j'aime
1
Du même critique
Mosul est un film qui ressemble à d'autres du genre, mais pas tout à fait... D'abord la ville de Mosul et l'Irak, toujours filmés par des réalisateurs américains ou canadiens ; de fait, une version...
Par
le 1 déc. 2020
13 j'aime
Réalisateur espagnol, Albert Pinto devrait se faire remarquer avec ce Survival féminin. Un pays qui sombre dans le totalitarisme, une fuite, un parcours de migrants aux mains des passeurs, et puis un...
Par
le 29 sept. 2023
9 j'aime
1
Forcément, avec Philip K.Dick, le besoin d'exigence monte d'un cran chez le spectateur averti. 10 épisodes basées sur les nouvelles de ce diable d'homme dont la paranoïa n'est plus à évoquer. Le...
Par
le 27 févr. 2018
8 j'aime