Le film suit les destin de la famille Froment, depuis 1871, au moment où le père de trois enfants est tué au combat contre l'Allemagne voulant annexer l'Alsace et la Lorraine, jusqu'à la déclaration de guerre en Septembre 1939. On va suivre ces derniers, ainsi que leurs enfants, évoluer dans la vie où ils vont vivre trois guerres.
Untel père et fils a été tourné juste avant la guerre, mais est sorti six ans plus tard. Elle se veut une œuvre de propagande, qui célèbre à la fois la France comme terre d'asile, comme pays où il fait bon vivre, malgré les menaces extérieures ou économiques. Mais c'est surtout une formidable saga familiale, qui dure seulement 1h40, mais qui est le condensé d'une vie. Sur les trois enfants, l'un va être dans les affaires (Louis Jouvet), l'autre va aller dans la France coloniale pour faire des affaires qui ne sont pas reluisantes, et la dernière sera infirmière dévouée corps et âme, au point d'en oublier son propre bonheur. Les trois auront une autre figure paternelle en la personne de leur oncle, joué par Raimu, homme d'affaires qui va tout perdre lors de la crise 1929, et devenir gérant d'un petit hôtel.
Malgré que le portrait montré du pays ne soit pas tout le temps reluisant, car on perçoit en arrière-fond une menace poindre, on voit les évolutions technologiques, comme l'aviation ou les traumatismes des guerres sans d'ailleurs qu'on ne voit une seule scène de bataille. Là, ce sont plus les conséquences sur les familles que l'on voit. Et c'est peu dire qu'on est bouleversés quant aux destins des personnages, qui sont emportés par le tourbillon de la vie, ainsi que leurs enfants. Dont une certaine Michèle Morgan, qui incarne la fille de Louis Jouvet.
Quant à Raimu, qui est en quelque sorte le personnage pivot de l'histoire, témoin indirect de cette fratrie, je le trouve magnifique de pudeur et de dignité. Le personnage va évoluer lui aussi durant des décennies, avec des cheveux blancs et la posture un peu plus voutée, mais il représente en quelque sorte la morale de l'histoire, celle d'un homme qui a toujours su garder la tête haute, réfractaire à toute idée d'antisémitisme qui commençait à arriver dans les années 1930, et qui reste fort en gueule. Je le dis souvent en parlant de cet acteur, qui fut un génie, mais quand il parle, on ressent un frisson de Pagnol, notamment sa dernière scène à son hôtel où il dit qu'à Marseille, on n'a pas besoin de paillasson car il ne pleut jamais !
On sait que le réalisateur, Julien Duviver, était un pessimiste de nature sur l'âme humaine, ce qu'il démontre en partie ici, surtout le frère colonialiste, mais il sort un portrait à l'image de la France, celle qui se bat. D'où son aspect parfois propagandiste, mais discrètement disséminé, ce qui en fait une œuvre bouleversante.