Jordan Peele signe avec Us son second long-métrage, un film d’horreur, en apparence. Us, à la recette proche de celle de Get Out, traite en réalité de plus vastes problématiques : manichéisme, histoire commune, acceptation de soi… Analyse d’un film ambigu, lançant des pistes pour les brouiller aussitôt.
Adelaïde, jeune mère de famille, en vacances dans sa maison d’enfance, ressasse un douloureux traumatisme que le temps n’a pas réussi à chasser. Obsédée par ce dernier, Adelaïde transmet ainsi une paranoïa inexplicable aux autres membres de sa famille : quelque chose se trame, quelque chose d’horriblement important.
Us se résume-t-il vraiment à l’attaque de la population américaine par ses clones-morts-vivants-d’outre-tombe sortis d’on ne sait quel réseau souterrain, créés par on ne sait quel scientifique fou ? Non. Le long métrage de presque deux heures, s’attaque en fait à la question de la personnalité et de ce qui la transcende. Le film déconstruit tout d’abord la vision simpliste et commune du bien et du mal. Il n’implique ainsi pas de jugement de valeur ; en effet il ne s’agit pas du combat de la gentille et dévouée Adelaïde contre son double maléfique mais plutôt de la recherche du véritable soi (« Find yourself » peut-on lire dans une fête foraine au bord de mer, lieu central de l’intrigue). Le dénouement de Us confirme d’ailleurs ce point : est-ce possible de se tromper à ce point au sujet d’une personne ?
Rien n’est blanc, rien n’est noir, rien n’est non plus totalement gris, notamment grâce au parti pris par le réalisateur. L’Amérique blanche est ainsi représentée par des personnalités oisives, égoïstes et superficielles. Cette fois-ci les survivants ne sont pas des blancs, l’Homme noir n’est plus le premier à mourir, ni à se sacrifier, il devient plutôt le héros qu’avait rejeté comédies horrifiques et séries B en tout genre.
Enfin, puisque le film traite des tensions raciales en Amérique, certaines scènes de la partie finale ne sont pas sans rappeler l’esclavage, la dépossession des corps et de l’esprit. Le ton du film va donc crescendo : comique jusqu’à l’élément déclencheur, le récit sombre minute par minute dans les méandres des mémoires de l’Histoire africaine.
« Us » s’offre plusieurs grilles de lecture et se veut plus profond que sa promotion n’ait pu laisser penser. Une très bonne cuvée de l’année 2019, qui révèle de plus une Lupita Nyong'o très prometteuse dans des rôles hors blockbusters.