Il est toujours étrange de voir le grand écran s'emparer de l'actualité, d'autant plus que les expériences collectives traumatisantes ont tendance à s'accumuler ces dernières années. Si le cinéma français est relativement "sobre" et hésite à se lancer dans ce genre de projet (style rarement documentaire, toujours comme support ou second plan d'un autre récit, comme


Amanda


pour citer un bel exemple récent), on a remarqué que le cinéma américain n'a pas la même approche. Des nombreuses itérations hollywoodiennes du 11 septembre, des attentats de Boston ou même cette année à bord du Thalys, il y a une volonté beaucoup plus affirmée de laisser la fiction se coller à la réalité. La nature même du Cinéma rend ces propos toujours ambivalents : à quel point l'oeuvre est elle là pour passer un message ? A quel point le film est il fait pour cartonner au box-office ?


Ici, ce sont les attentats d'Oslo et d'Utoya perpétrés par Anders Breivik, un militant d’extrême droite, qui sont présentés. D'une part par une courte introduction mêlant prise de vue réelle et image d'archives d'Oslo au moment de l'explosion d'une bombe artisanale en centre-ville puis son attaque préméditée d'un camp de jeunes organisé par la Ligue des jeunes travaillistes (gauche, extrême gauche) qui fera 77 morts et plus de 150 blessés.


Utoya, 22 juillet m'ennuie, car si je suis globalement derrière son approche de vouloir présenter l'événement du point de vue d'une jeune fille lambda et non pas du tueur quasiment invisible ou qu'il réussit à capter par instants le flottement presque absurde et glaçant d'une foule paniquée qui ne sait plus quoi faire quand l'impensable advient, je trouve absolument tout le reste affreusement naïf, racoleur et peu inspiré. Et c'est d'autant plus dommage que le film annonce clairement son intention d'être tout le contraire.


L'attentat de 72 minutes dans la réalité est présentée en un seul plan séquence de la même durée, le film ayant recréé les lieux avec fidélité et a même poussé le souci du détail à faire entendre durant cette séquence le nombre exact de coup de feu ayant été tirés. Toutefois le réalisme s'arrête là, on va suivre Kaja (Andrea Berntzen, récompensée pour son rôle aux "Amanda", les Césars norvégiens), un personnage complètement inventé pour l'occasion, qui sans peur et sans reproche va chercher sa sœur durant l'attaque. Une motivation très cheap pour pousser le personnage à ne pas chercher à s'enfuir ou à rester planquée. La caméra la suivra de prés, adoptant toutes les caractéristiques du found footage (caméra à l'épaule "vivante" qui va regarder dans d'autres directions que le personnage par exemple) mise à part qu'elle reste en dehors de la diégèse (elle n'est pas tenue par un personnage au sein du récit). Une idée qu'il n'est pas le premier à utiliser - on citera Victoria de Sebastian Schipper par exemple - mais cette immersion aux allures de grand-huit qui était jusque là l'apanage des films d'horreurs (REC, Cloverfield, etc) donne automatiquement un aspect train-fantôme de très mauvais goût à son sujet.


A ça on ajoute des dialogues plats qui ne font que réciter des poncifs, à la limite de l'absurde tellement chaque phrase devient une affirmation politique plus qu'une conversation réaliste : on a le déni, le propos sur les musulmans accusés automatiquement, les théories du complot, etc. Enfin, plutôt que d'avoir une relation crédible entre des individus qui ne se connaissent pas, on a le cliché des "10 ans d'amitié après 1h de rencontre" et une scène proche du Darwin award où nos héros qui se cachent sans faire de bruit se mettent à chanter pour passer le temps....


Je ne sais pas si c'est parce que le réalisateur est un habitué des thrillers et films de guerre (Utoya, 22 juillet est le premier film que je vois d'Erik Pope) ou que le duo de scénaristes Anna Bache-Wiig et Siv Rajendram Eliassen n'ont écrit que des polars pour la télévision, mais même sur un sujet aussi simple, le scénario coche toutes les cases du tire-larme forcé et misérabiliste sans une idée derrière. Il est encore plus aberrant que l'Amanda du meilleur second rôle soit allée à Solveig Koløen Birkeland dont le personnage est simplement désigné par "jeune fille blessée" et qui se contente d'imiter la maman de Bambi pendant 10 minutes.


Bref, Utoya, 22 juillet a beau afficher les meilleures intentions du monde, sa forme est celle d'un récit sensationnaliste qui ne fait rien de son sujet filmé avec les ambitions d'un vieux film 3D pour une attraction de foire à siège amovible mais en plus gore. Dosé à la truelle et joué par des légumes, j'ai vraiment beaucoup de mal à trouver un intérêt cinématographique à ce qui m'est plus apparu comme un coup de gueule non nuancé contre l’extrême droite. Nécessaire ? Chacun est juge, je veux parler Ciné, pas du reste. Plutôt mauvais ? Assurément.

Cinématogrill
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le 11 déc. 2018

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Cinématogrill

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