Tout commence par une explosion au coeur d'Oslo, dans le quartier des ministères. Montrée sous l'oeil des caméras de surveillance, froides, fixes et détachées. Et la rumeur qui court sur une petite île d'une attaque terroriste. Une rumeur, seulement. On se demande pourquoi en Norvège. On se perd en suppositions, en se disant qu'il s'agit d'une fuite de gaz ou d'Al Qaida. Ou que c'est à cause de l'Afghanistan.
Cela ne reste que des rumeurs, car le réseau passe mal sur cette île.
Tandis qu'on entend au loin ce qui apparaît d'abord comme des pétards. Puis une course éperdue. Et de l'agitation. Et finalement la panique et l'angoisse qui irriguent un long plan séquence suivant la jeune Kaja. Elephant n'est pas loin, mais Utoya, 22 juillet, loin du caractère clinique, froid et désincarné déployé par Gus Van Sant, met en scène la survie et le chaos. L'énergie du désespoir et la mort que l'on imagine frapper hors-champ à chaque nouveau coup de feu.
Nous ne verrons jamais clairement l'assaillant. La rumeur court encore, imprécise, et le démultiplie. Ce serait même des policiers... Ou un exercice. Les détonations se font entendre à intervalle régulier. Tout comme les cris et la souffrance. La présence imprécise se rapproche puis s'éloigne. Mais les coups de feu. Toujours.
Erik Poppe prend le parti d'une immersion totale et étouffante qui, même si elle ne montre finalement qu'assez peu, terrifie et prend le spectateur de court comme s'il assistait lui-même au massacre et tentait de le fuir avec les autres adolescents présents sur les lieux du drame.
Les pauses dans la tragédie, les moments où l'on se cache et où le temps se suspend pour l'éternité prolongent la peur et l'angoisse, posent la caméra sur des derniers instants, une agonie, un délire ou encore la sidération et la prostration entre des tentes dont on ne verra jamais l'intérieur. Utoya, 22 juillet plonge au plus profond de l'abîme qui se dérobe sous les pieds de ses victimes luttant pour essayer d'échapper à une ombre implacable et sans nom.
Poppe filme le chaos et la désintégration d'une société qui se croyait à l'abri des démons du terrorisme de manière viscérale et la plupart du temps tendue. Il nous absorbe au plus profond de son cauchemar se terminant dans une séquence choc. Il en capture aussi les instants les plus banals, voire absurdes, dans une reconstitution documentée et âpre, réaliste et noire.
Ramassé sur lui-même et sur sa tragédie, saisissant, Utoya, 22 juillet n'a d'autre horizon que ces soixante-dix minutes d'enfer à ciel ouvert traversé d'une ombre maléfique omniprésente sur laquelle Poppe ne s'attardera jamais. Le réalisateur a donc tout bon et tenait là un sommet du film choc... Jusqu'à ces panneaux croyant bon de rappeler les origines du mal et la montée des extrémismes dans une volonté assez naïve d'alerte et de prévention. Des dernières secondes qui pourront apparaître surabondantes, tant la démonstration se suffisait à elle-même et se montrait brillante.
Behind_the_Mask, chasseur blanc, coeur noir.