L’ouverture n’est pas particulièrement judicieuse, elle s’embarrasse d’écriteaux explicatifs superflus, décrivant les événements avant de nous les montrer; le film semble témoigner d’un manque de confiance en sa propre force évocatrice. Mais une fois le film lancé, sa force, puisée à la fois dans l’utilisation du plan séquence, dans la justesse du jeu des comédiens et dans la brillante mise en scène, nous entraîne dans un tourbillon d’horreur dont il est difficile de s’extraire. Le sound-design nous fait subir chaque détonation, chaque coup de feu et on se surprend à sursauter avec les personnages qui se terrent pour survivre. On ressent les impacts de chaque balle tirée, bien que la plupart le soit hors-champ, loin de la caméra et de Kaja, le personnage principal du film.
Le statut de la caméra est assez ambigu. Portée à la main, elle ne semble d’abord pas subjective, mais elle bascule soudainement dans la diégèse du film lorsqu’on voit la caméra se terrer brutalement au sol pour éviter les balles. Le spectateur est donc placé dans la peau d’un des étudiants, mais ce procédé en demi-teinte manque de justesse et provoque presque l’effet inverse : en voulant donner une présence physique à la caméra, cette dernière est parfois trop encombrante, ce qui nuit à l’immersion.
On pourrait parfaitement prendre ce film comme exemple de la force que peut avoir le cinéma pour retranscrire un événement historique. Si le nombre de soixante-dix-sept morts a pu nous sembler abstrait, ce film pose des visages et des vies sur ce chiffre et le rend beaucoup plus concret, à nos dépends. On a pu reprocher à Utøya, 22 juillet d’être trop voyeur et de trop montrer les choses, mais c’est en réalité ce qui fait probablement tout l’intérêt du film ; plonger le spectateur dans l’horreur la plus totale, pour comprendre et pour ne pas oublier.