Le film V pour Vendetta se veut une critique politique profonde, mais échoue à plusieurs niveaux dans son analyse. La vision manichéenne qu'il propose, opposant un gouvernement totalement maléfique à un héros mystérieux, ne rend pas justice à la complexité des enjeux politiques réels. Le personnage de V, censé incarner la résistance face à l'oppression, propose une solution aussi autoritaire que le système qu'il combat : la violence comme unique réponse à la violence.

L'utilisation de la peur comme outil de changement social par V reflète ironiquement les méthodes du régime qu'il combat. Sa manipulation d'Evey, bien que présentée comme libératrice, s'apparente à un lavage de cerveau qui nie le libre arbitre qu'il prétend défendre.

Le développement des personnages souffre d'un manque flagrant de nuance. V lui-même reste une figure unidimensionnelle, dont la psychologie complexe est à peine effleurée. Son passé traumatique sert davantage de prétexte à la vengeance que d'exploration psychologique approfondie. Evey, quant à elle, subit une transformation peu crédible, passant de simple employée apeurée à révolutionnaire convaincue suite à une séquence de torture moralement discutable.

Les personnages secondaires sont particulièrement négligés. L'inspecteur Finch, qui aurait pu apporter une perspective nuancée sur le système, reste superficiel. Les antagonistes sont caricaturaux, réduits à des stéréotypes de méchants sans profondeur psychologique. Le chancelier Sutler, en particulier, est présenté comme un dictateur unidimensionnel qui rappelle plus les méchants de comics que les véritables autocrates historiques.

Le film privilégie les effets visuels spectaculaires et les dialogues grandiloquents au détriment d'une réflexion politique substantielle. Les scènes d'action, bien que techniquement réussies, détournent l'attention des questions de fond. L'utilisation excessive de symboles (le masque, le 5 novembre, les dominos) relève plus du marketing que d'une réelle profondeur narrative.

La mise en scène elle-même souffre d'un manque de subtilité. Les angles de caméra dramatiques, l'éclairage théâtral et la musique imposante créent une atmosphère qui verse souvent dans le mélodrame, diminuant l'impact des moments qui auraient mérité plus de retenue.

Le film souffre d'une confusion idéologique majeure. Tout en dénonçant le fascisme, il glorifie un personnage principal qui utilise des méthodes terroristes et manipulatrices. La violence est présentée comme libératrice, ce qui pose un problème éthique fondamental. Le message final du film - que la fin justifie les moyens - est particulièrement problématique dans notre contexte contemporain.

Le traitement de la surveillance de masse et du contrôle gouvernemental reste superficiel. Plutôt que d'explorer les mécanismes complexes qui permettent l'établissement et le maintien d'un état totalitaire, le film se contente de clichés sur les médias contrôlés et la répression policière.

L'intrigue repose sur de nombreuses incohérences :

- La facilité déconcertante avec laquelle V infiltre des installations supposément ultra-sécurisées

- La transformation rapide et peu crédible de la population de citoyens terrorisés en révolutionnaires

- L'omniscience inexpliquée du personnage principal

- Des ellipses narratives qui laissent de nombreuses questions sans réponse

Le film ne parvient jamais à expliquer de manière convaincante comment V a pu acquérir ses capacités surhumaines, ni comment il a pu planifier et exécuter son plan complexe sur plusieurs années sans être découvert.

Le film échoue à établir un contexte historique crédible pour sa dystopie. La montée au pouvoir du parti Norsefire et la transformation de la société britannique sont à peine esquissées, rendant difficile la compréhension des enjeux réels. Les références historiques, notamment à Guy Fawkes, sont utilisées de manière superficielle et parfois historiquement inexacte.

Le traitement de la violence dans le film est particulièrement problématique. Alors que l'œuvre prétend critiquer la violence systémique, elle se complaît dans des scènes d'action stylisées qui glorifient la violence physique. Cette contradiction affaiblit considérablement le message anti-autoritaire du film.

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