Qu'on aime ou pas ce film, on ne pourra pas renier qu'il renouvelle le genre auquel il s'identifie à savoir la comédie dramatique de l'Âge d'or hollywoodien. Sans faire une critique exhaustive de ce film, je l'ai trouvé à titre personnel charmant et jouant habilement des scènes attendues du genre: la scène de la gare par exemple désamorce complètement la finalité traditionnelle d'un tel carcan cinématographique dans les films d'amour, et les péripéties, les difficultés rencontrées par les deux protagonistes, au moment de vivre leur histoire d'amour, me semblaient pour une fois réalistes et sans niaiseries ; les raisons ne sont pas tirées par les cheveux, la contradiction psychologique des personnages, et en particulier de l'héroïne, est finement analysée et traitée et constitue un enjeu qui n'est que trop rarement abordé dans les comédies romantiques : en effet, ce qui empêche ici la fluidité de leur histoire, ce ne sont pas des éléments extérieurs objectifs, mais bien une interprétation que l'héroïne fait elle-même de situations données, lui empêchant alors de se laisser aller au bonheur. Le nœud de l'intrigue tourne alors bien plus autour de la psyché des personnages que de leurs actions en elles-mêmes et c'est peut-être pour cela qu'il ne semble pas rencontré le succès qu'il semble pourtant mérité. Le film renouvelle alors une tradition bien plus ancienne que le cinéma lui-même en s'inscrivant dans une lignée créatrice qui met en avant la parole sur l'action: l'enjeu du film se trouve dans une résolution psychologique - l'héroïne s'autorisera-t-elle le bonheur ? Parviendra-t-elle a être heureuse ? Va-t-elle se donner la possibilité de changer ? (Question qui s'inscrit dans tout récit de voyage par ailleurs) - plutôt qu'une résolution concrète, matérielle (et de fait, le statut de l'héroïne, en tant que ce qu'elle est pour le monde extérieur, à la fin du film n'est pas si différent de celui du début). On pourrait lui reprocher sa lenteur, mais elle favorise le développement et la compréhension psychologique des personnages. D'ailleurs, les scènes de promenade dans Venise viennent nous dire bien plus du propos de l'auteur que les scènes où il se passe concrètement quelque chose. J'ai été particulièrement touchée aussi par l'originalité de faire un film d'amour autour d'une 《 vieille fille》, d'une célibataire de 40 ans ; choix scénarisque qui fait encore figure d'exception quelques cinq décennies plus tard. Évidemment, le cadre de l'intrigue est magnifique et la façon dont est filmé Venise donne envie d'y voyager. Ce choix du cadre, complètement saturé de représentations amoureuses et d'un imaginaire collectif particulier, est signifiante pour l'intrigue générale et je trouve l'ensemble du propos extrêmement cohérent entre le fond et la forme.