Dans la peau de Val Kilmer

Portrait touchant de l'enfant terrible d'Hollywood, mea culpa effrayant d'une star capricieuse, parcours filmé impensable d'un clown triste toujours à la recherche de la perfection, Val est un uppercut au menton, ce type de coup où n'attendait qu'une claque pour réchauffer notre joue, une virée unique dans les méandres d'un esprit malade, dans la peau de Val Kilmer.

Parlant péniblement par le biais d'un voice box depuis sa trachéotomie en 2015, star au préalable déchue, vieillissante, ruinée et bouffie par les affres du temps, Val Kilmer n'est plus que l'ombre que lui-même, écumant les routes pour des conventions douloureuses à signer des photos de lui jeune et fringant tout en restant en admiration devant ces foules venues exprès pour rencontrer leur idole. Le constat est d'autant plus triste que l'acteur, qui n'est bizarrement jamais passé réalisateur, a littéralement passé sa vie à tout filmer : ses frasques parodiques avec ses frères quand il a su marcher, son quotidien familial, ses auditions, ses premiers exploits, les réprimandes de son prof de théâtre, les coulisses des blockbusters où il a percé, tout.

La voix déchiquetée, l'ego meurtri, c'est par le biais de son propre fils Jack que l'acteur va parler et s'ouvrir. Le voyage est aussi flippant que magnifique, surréaliste tant l'on ne pensait pas la diva colérique et perfectionniste aussi investie dans son métier, aussi burlesque en dehors de l'écran, aussi farceur au quotidien. Bien entendu, l'ex-Batman passera sous silence ses excès, les raisons de son divorce, ses bouses sorties en DTV. Bien sûr on restera pantois devant l'attitude proférée avant un enterrement important ou des blagues de mauvais goût. Sauf qu'en y réfléchissant, Kilmer reste un acteur hollywoodien, soucieux de son image. Alors on se prend au jeu, on ne voit plus les artifices. Sauf qu'en y réfléchissant, ce n'est pas une rétrospective sur Val Kilmer : c'est une rétrospective de Val Kilmer.

Il n'y a qu'en tombant d'aussi haut que l'on peut trouver la force de faire une telle rétrospective, dévoilant autant de failles insoupçonnées, se mettant autant à nu. Certains comme Clint Eastwood ou Sylvester Stallone font des f̶i̶l̶m̶s̶ chefs-d’œuvre, d'autres comme Val Edward proposent cette hallucinante balade intime, sincère, originale, unique, inoubliable.