Luc Besson a dit, dans un très bon documentaire sur l'élaboration du film depuis les débuts du réalisateur : "Ce film, c'est moi. Si vous n'aimez pas ce film, c'est de ma faute".


C'est toujours important dans l'étape d'un artiste la réalisation d'un projet de vie, un rêve qui prend vie à l'écran, censé en l'occurrence résumer le cinéaste. Aussi ça me fend le cœur en sachant tout ce que ce film représente pour Besson, mais Valérian est tout simplement raté, et teeeeellement moins que ce qu'il aurait pu être. Vous savez, cette sensation quand un ami nous raconte un rêve d'une façon juste extraordinaire mais avec lequel on n'arrive pas du tout à se projeter... Sourire gênant à la fin. Le même quand on m'a demandé "Alors, Valérian c'est comment ?"


Premier problème : ce n'est pas un film que je qualifierais de vraiment "beau". Le budget est là, l'exécution est là, les idées sont là. Mais oseras-je dire que trop de CGI tuent les CGI ? Pas forcément en fait, il n'y a qu'à voir Avatar - film qui a motivé Besson à revoir le film à la hausse - totalement réussi de ce point de vue là. Le problème, c'est que Besson ne laisse tout simplement pas ses plans respirer. Passée la première demi-heure du film avec la planète Mül très jolie mais surtout la planète hybride entre un désert attrape-touriste et un souk virtuel, une idée absolument géniale d'inventivité qui rend hyper bien à l'écran, c'est ensuite un bazar pas possible. Le reste n'est qu'un enchaînement de CGI qui semble parfois être tellement forcé dans le récit (le passage marin) qu'on a à peine le temps de se familiariser avec l'environnement avant de passer à autre chose. Alpha semble immense en effet, et j'ai eu un aperçu d'à peu près tout ce que les techniques d'aujourd'hui peuvent donner, mais l'univers présenté manque de cohérence, beaucoup d'éléments introduits n'étant jamais réutilisés par la suite. Le film ne nous laisse que l'apercevoir à travers des portes entrouvertes, qui sitôt qu'on s'en approche, se referment. Ça manque de beaux plans fixes, tout simplement, de séquences laissant respirer les paysages. L'overdose de scènes d'action ne vaut pas le coup, ces dernières étant parfois peu lisibles (la poursuite du vaisseau par Valérian à travers la ville, très teasé dans les bandes-annonces, est brouillon) et trop mal réparties dans le film pour que le rythme soit constant.


Cette critique du "trop" ne s'applique pas qu'aux visuels et à la réalisation. Le scénario veut également jouer sur beaucoup trop de plans. Une remarque que tous mes amis se sont faits : le film se perd beaucoup dans des histoires secondaires au lieu de rester concentrer sur son intrigue principale. C'est vrai. Parfois c'est bien relié au reste (le début avec la planète désert-souk), parfois, non. Tout le passage avec Bubble, je l'ai plutôt aimé, car c'est l'un des seuls qui développe un tant soit peu les personnages, mais il fait perdre du temps et dessert le reste de l'intrigue. La preuve : le film révèle tous les tenants et les aboutissants de son scénario par le biais de monologues et de flashbacks ultra explicatifs pendant 10 minutes à la fin du film, et se croit malin en nous montrant certains détails du début de l'histoire, détails que l'on avait relevé sans comprendre. Une tentative ratée d'unifier le tout comme une seule histoire, qui peine à masquer le terrible vide qu'on a traversé pendant une bonne heure. Quel dommage sachant que l'histoire de fond était bonne sur le papier et aurait mérité d'être mieux racontée - peut-être en faisant plus intervenir l'espèce primitive dans l'intrigue. L'histoire méritait aussi d'être fignolée sur certains aspects - j'ai du mal à croire qu'en 30 ans une espèce d'agriculteurs ait soudainement appris à créer des planètes. Luc Besson avait l'histoire dans sa tête depuis des années, pourtant lors du visionnage, j'ai eu l'impression que certaines idées lui étaient venue au fil de l'eau, notamment le point - pourtant capital dans le scénario -


de la fusion entre l'âme de Mül et Valerian, ce dernier ne partageant son impression qu'une scène avant que la réponse ne soit apportée, comme par hasard...


De plus, certains choix en matière de narration sont plus que douteux, notamment le fait de nous révéler l'identité du traître dès le début (wtf sérieux ?!). Il en résulte un climax final avec lequel le spectateur est complètement détaché et dont la résolution est assez minable, que ce soit le changement d'avis de Valérian "grâce à l'amour" (encore une idée qui aurait pu offrir au film un vrai propos mais qui n'est balancée que lors d'une réplique sans conséquence) ou la solution "pratique" pour défaire le militaire et ses robots. Le tout dans un cadre bien pauvre visuellement parlant par rapport au reste du film, c'est un comble. Bref, l'écriture est elle aussi à revoir sur plein d'aspect, et c'est dommage quand on pense à tout le potentiel de l'intrigue de fond...


Toujours plus de défauts, et c'est souvent un problème destructeur à mes yeux, même si là on a vu bien pire : les personnages sont plutôt creux. La romance principale est très maladroite et détruit tout attachement que j'aurais pu avoir pour Laureline (grande absente du titre du film) mais aussi pour Valérian. Pourtant le film laisse assez les personnages s'exprimer à travers les situations qu'ils traversent, et ça suffit à révéler pas mal de leurs traits de caractère, mais c'est insuffisant tant leur peu d'"évolution" est prévisible. L'alchimie des deux acteurs est présente mais les deux chacun de leur côté sont assez maladroits dans certaines scènes.


Après une excellente scène d'ouverture positive et optimiste sur les premiers contacts entre l'Homme et l'alien, et comment Alpha a été créée, le film abandonne toute tentative d'avoir un propos. On a vaguement un message de "paix entre toutes les races" mais rien de bien intéressant par rapport à tout ce que pouvait proposer l'univers apparemment plus complexe de la BD. On sent d'ailleurs que le film a un défaut que beaucoup de "premier opus de saga" (en tout cas, si tout se passe bien niveau recettes...) possèdent : beaucoup d'exposition pour d'éventuelles suites, et un film qui du coup n'exploite pas tout ce qu'il balance. Il y a notamment un élément clé du scénario dont j'étais sûr d'avoir une suite :


l'alien de Mül qui est torturé disparaît lors d'un "éclair" de la même façon que la fille du Roi au début du film, ce qui laisse à penser que son âme est également transmise dans l'enveloppe de quelqu'un d'autre - qui ?


Même en tant que film d'action popcorn, je dois dire aussi que ça manquait pas mal d'humour malgré le non-sérieux de certaines situations et que la musique est peu remarquable. Je peine à trouver un angle d'approche avec lequel voir le film comme un bon film.


Blockbuster qui fait des efforts pour tout faire et qui n'aboutit à ne rien faire de convaincant sur toute la ligne, de ce Valérian on ne peut pas s'empêcher de sortir déçu-e, par cette introduction d'univers pourtant hyper inventif et attachant sur plein d'aspects, mais fondamentalement très déséquilibré entre son début et sa fin, et surtout qui aurait mérité plus d'une relecture pour laisser respirer ses décors, ses personnages et son histoire prometteuse.

Galax
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le 5 août 2017

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