Ce n’est pas donné à tout le monde de voir se concrétiser le rêve d’une vie sur grand écran. C’est le cas de Luc Besson qui annonce avec Valerian la sortie de son grand-œuvre, fruit de décennies de recherche, d’attente des capacités technologiques pour rendre justice à la vision qu’avait le réalisateur de la bande dessinée éponyme créée par Pierre Christin et Jean-Claude Mézières. Connaissant la capacité du monsieur à ne pas forcément gérer son côté démiurge cinématographique (de ce point de vue là, sa Jeanne d’Arc n’est pas un film mais une psychanalyse autobiographique en technicolor), on pouvait être un peu circonspect devant cette fresque galactique. Il n’en est rien.
Sauver le monde entre deux vacances à la plage
Le jeune Valerian est un des meilleurs agents humains de la galaxie. Avec la pilote Laureline, il forme un duo chargé des missions les plus dangereuses pour le compte de la race humaine. Arrivés sur la station Alpha, ancienne station spatiale terrienne devenu une cité gigantesque accueillant plusieurs milliers de races extraterrestres, ils doivent assurer la sécurité du Commandant Filitt alors qu’une mystérieuse masse radioactive grandit au sein de la station…
Valerian est la concrétisation d’un rêve de gosse pour Luc Besson, ce qui se ressent dans le film. Tout ici, l’histoire, l’ambiance, les extraterrestres, transpire les années qui ont marqué l’enfance du réalisateur : les années 70. Ce film a quarante ans de retard : les enjeux post hippie, l’idéal d’une cité-Babel, la mise en scène d’une séduction lourdingue… Tout cela donne lui donne un aspect suranné. Il ne faut pas parler de nostalgie, c’est juste un vieux film. Les références vont chercher dans les grands-pères de la science-fiction, semblant oublier les œuvres plus récentes. Luc Besson parle de Valerian comme un projet auquel il réfléchit depuis bientôt 20 ans. Il semblerait que les vingt dernières années n’aient pas eu de prise sur le scénario. Commencer une fresque futuriste sur Space Oddity de David Bowie dénote une tropisme seventies assez décalé quand on sait que l’action principale se situe au XXVIIIe siècle…
Il y a tout de même un aspect enfantin dans ce film. Valerian raconte une histoire où la science-fiction est un monde de fantasy, un monde merveilleux et multiculturel (où les humains restent les maîtres de l’univers, naturellement). La Station Alpha, cette cité aux mille planètes, lieu principal de l’intrigue est un melting pot où les races vivent en harmonie dans un communautarisme obligatoire et organisé. L’intrigue du film se divise en autant de strates que les héros doivent explorer, des parties les plus officielles (conseil diplomatique, grands couloirs blancs aseptisés) au noyau le plus profond de la station en passant par les niveaux sous-marins, les enclaves de tribus anthropophages ou les bordels intersidéraux.
Rien que pour vos yeux (RIP Roger Moore)
Ce côté succession de saynètes rend l’ensemble un peu artificiel mais il est difficile de contester une volonté de bien faire au film. L’histoire est prise avec légèreté et le film ne souffre pas de lourdeurs. Les parties de flashbacks sont expédiées au début du film au profit de l’action. Le film se veut ainsi un pur divertissement, gommant peut-être trop ses potentielles aspérités. Cependant, il n’est pas à ranger dans le domaine de l’anticipation à la Minority Report, Starship Troopers, etc. mais dans celui du merveilleux, d’une fantasy légère. Les sentiments simplistes, les méchants et gentils stéréotypés sont au service de l’intrigue et du spectacle concoctés sans temps morts. L’un des rares moments corrosifs saute d’autant plus aux yeux : une scène introduit Rihanna, qui joue une sorte de cameo d’elle-même dans un numéro de pole dance transformiste pour le plaisir des yeux libidineux d’obsédés sexuels et voyeurs : un pur divertissement qui se multiplie pour le plaisir du spectateur.
Ce genre de scène putassière renvoie toujours à la question du cynisme d’une telle production, parfois codifiée pour plaire au plus grand nombre. On découvre ensuite que cette Rihanna est enchaînée, prostituée pour les beaux yeux du public. Valerian n’est pas dupe de ça et garde une naïveté salutaire même dans les moments qui pourraient être cyniques. Rappelons-nous, ce film n’est qu’un rêve de gosse…