Le titre français est trompeur. Rien à voir avec Lewis Carroll, la traduction littérale du titre tchèque serait plutôt "Valérie et la semaine merveilleuse". Ça me désole vraiment les traductions à base de raccourcis de ce genre.
Surtout que ce film développe de lui-même un imaginaire tellement riche que c'est un véritable affront que de l'associer ainsi à une oeuvre dont certains thèmes sont certes similaires, mais dont le traitement est radicalement différent.
Ce film diffuse en permanence une atmosphère onirique, où on retrouve surtout des scènes d'extérieur avec des jeunes filles en robe immaculée à la David Hamilton et des scènes d'intérieur poussiéreuses peuplées de créatures vampiriques ressemblant à Nosferatu (sans doute inspirées du mythe slave des moroi, il me semble d'ailleurs que c'est le terme qu'ils utilisent pour les désigner dans le film). Ça pourrait être un film de vampires assez classique, où on verrait un village envahi peu à peu par les morts-vivants, mais tout le film repose sur une structure métaphorique qui fait que les événements s'enchaînent de manière plus symbolique que cohérente. Les morts reviennent à la vie sans que ça ne choque personne, les gens changent d'apparence et de comportement, et à peu près tout le monde agit de façon insensée tout au long du film.
Les vampires, au début clairement identifiables, mais qu'il devient de plus en plus difficile de reconnaître au fil du film, me semblent être une métaphore de tous les éléments emprisonnant hommes et femmes dans une condition (un rôle? la métaphore des acteurs est également très vivace) les dépassant complètement, et dont l'absurde transparaît régulièrement à travers ces scènes où les personnages se retrouvent emprisonnés, sans raison apparente, par des moyens quasi-inexistants (menottes trop larges, ficelles...). La religion (rituels, corruption), la famille (descendance, mariage, inceste), le temps (vieillesse, passé perdu), le désir (sexuel, matériel)... et il y en a sans doute beaucoup d'autres.
La dualité entre intérieur et extérieur, liberté et emprisonnement, jeunesse et décrépitude, vie et mort, innocence et corruption, me paraît être au centre du film. Mais cette dualité, loin d'être manichéenne, entremêle tous ces éléments dans un tourbillon où le bon devient mauvais, et vice versa, et où au final on finit par ne plus distinguer les frontières.
Ce film est donc extrêmement confus (comme cette critique, rédigée à une heure avancée, d'ailleurs). C'est ce qui fait sa force, et son intérêt.