Valérie à la dernière mode?
Les étranges paradoxes de la cinéphilie sont autant de figures impénétrables, et Valérie au pays des merveilles en est la preuve: quoi de plus original que de vouer un culte à un film qui dénonce le culte? A l'heure de la libération des mœurs, mais aussi et surtout à celle de l'invasion de la Tchécoslovaquie par la Russie, Jaromil Jires entend en effet taper un peu partout comme un bourrin, tout à la fois sur le conformiste et son porte-étendard - la religion -, et ce à grands coups de saphisme et attractions incestueuses. C'est le mythe du vampire qui écope encore une fois du sale boulot symbolique: famille dysfonctionnelle, pères pervers, grand-mères aux dents-longues, en multipliant et dédoublant chaque personnage, brouillant les pistes identitaires, Jaromil Jires rend palpable l'égarement de son héroïne.
Si seulement le pauvre homme s'en était tenu là. Car si Valérie s'égare et nous égare, c'est aussi que le film qu'elle hante est abscons, mais tristement abscons. De ces films dont on voit bien qu'ils essaient de nous dire quelque chose mais qui se ferme tristement à la compréhension par excès de zèle. Le coupable? La mise en scène, effort d’esthète à double tranchant, diamant noir de plongés et contre-plongés parfaitement maîtrisés. Il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas reconnaître l'incroyable élégance formelle du film, l'aura de magie sensuelle que chaque plan parvient instaurer; mais tout semble ployer sous le fantasme d'une époque révolue, au final bien plus vivace que la seule volonté de faire rêver, ou même celle tout autant légitime d'effrayer. Assimilé par une maladresse de traduction au chef d'oeuvre de Lewis Carroll, il est clair que Valérie en a l'ambition, mais pas tant la subtile cruauté - reste un plaisir de cinéphile, le culte d'entre tous, entretenu par le quasi-anonymat dans lequel le film a longtemps été plongé, soudainement exhumé des abysses pour le plaisir des yeux, de la libido et de la culture générale.
Un truc de hipster, quoi.