Ce genre de projet met immédiatement le spectateur en face d’un petit dilemme. Les objets cinéphiles fantasmés possèdent souvent un sous texte sexuel (chez Argento, certaines séquences sont éloquentes, le français Amer joue intelligemment dessus également…), et un contexte graphique flamboyant, outrancièrement baroque ou magnifiquement kitch. Ils sont dans l’excès (avec évidemment une certaine dose de voyeurisme). Or, avec Valérie, nous sommes exclusivement dans ce contexte. C’est du voyeurisme sexuel intellectualisé (atténué par la stylisation, dirons-nous) de l’éveil d’une gamine de 13 ans. Sans morale finale ni repères pour tenter de rationaliser la chose. Dans ces circonstances, le spectateur pourra donc se sentir légèrement gêné par la pellicule, pour diverses raisons (le film s’attarde régulièrement sur les ébats des paysans et courtisans vivant dans le village où se situe la maison de Valérie, il y a la séquence trouble de la grand-mère révélant une nature maso en se faisant fouetter de plaisir par le prêtre de passage, une séquence de saphisme avec une autre jeune vierge de la paroisse…). Bref, le film ne se refuse rien, et si il garde toujours une certaine tenue artistique, il n’hésite pas à se lancer dans des séquences complètement voyeuristes dont l’intérêt dramatique n’est pas certain. En fait, le film se révèle aussi troublant qu’un Maladolescenza, en toutefois plus camouflé (et par conséquent aussi en plus dérangeant) par l’interface du conte qu’il utilise, se livrant en quelque sorte à une relecture pour « pervers » des initiations enfantines des jeunes vierges au jeu de l’Amour… Mais si la visée sème le doute et le trouble chez le spectateur, le film est irréprochable. Chaque scène est magnifique, les ambiances sont parfaitement maîtrisées, et les pérégrinations de Valérie au milieu d’une nature en plein épanouissement (printemps, été, hivers, toutes les saisons s’entremêlent) et dans les lieux les plus sombres (caves gothiques, greniers bourrés de rouages, bibliothèque flamboyante…) ne cessent de combler le spectateur avide de fantasmes picturaux. Incontestablement, le film réussit son pari d’offrir un univers complètement fantasmé, dont le kitch assumé et les foisonnements symboliques se révèlent être les ingrédients classiques et efficaces à l’élaboration d’un pur objet cinéphile. Rien que pour ses splendides tableaux, le film mérite d’être vu deux fois. Toutefois, l’avertissement moral prévaut : le réalisateur a une idée derrière la tête qu’il n’explicite pas, et l’étrange sensation de sentir un sous texte « pédophile » dilué dans le vernis du conte laisse un goût étrange post visionnage. Il devient alors difficile de revendiquer pleinement son goût pour le film, aussi merveilleux soit-il. Une caractéristique rare qui ajoute à sa carrure de curiosité cinématographique étrange.
Voracinéphile
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les films les plus obscurs et Faire son boulot d'éclaireur

Créée

le 20 oct. 2013

Critique lue 1.8K fois

20 j'aime

7 commentaires

Voracinéphile

Écrit par

Critique lue 1.8K fois

20
7

D'autres avis sur Valérie au pays des merveilles

Valérie au pays des merveilles
soma
9

Un conte fascinant où émerveillement et cauchemar se mêlent avec tendresse.

Le spectre du désir rôde dans ce monde à la fois merveilleux et inquiétant qu'arpente notre douce héroïne, et il prendra de nombreuses formes. Certains démons la pourchasserons comme ceux de...

Par

le 20 juil. 2011

23 j'aime

2

Valérie au pays des merveilles
Voracinéphile
7

Critique de Valérie au pays des merveilles par Voracinéphile

Ce genre de projet met immédiatement le spectateur en face d’un petit dilemme. Les objets cinéphiles fantasmés possèdent souvent un sous texte sexuel (chez Argento, certaines séquences sont...

le 20 oct. 2013

20 j'aime

7

Du même critique

Alien: Romulus
Voracinéphile
5

Le film qui a oublié d'être un film

On y est. Je peux dire que je l'avais attendu, je peux dire que j'avais des espoirs, je l'ai sûrement mérité. Non que je cède au désespoir, mais qu'après un remake comme celui d'Evil Dead, ou une...

le 14 août 2024

179 j'aime

48

2001 : L'Odyssée de l'espace
Voracinéphile
5

The golden void

Il faut être de mauvaise foi pour oser critiquer LE chef d’œuvre de SF de l’histoire du cinéma. Le monument intouchable et immaculé. En l’occurrence, il est vrai que 2001 est intelligent dans sa...

le 15 déc. 2013

102 j'aime

116

Hannibal
Voracinéphile
3

Canine creuse

Ah, rarement une série m’aura refroidi aussi vite, et aussi méchamment (mon seul exemple en tête : Paranoia agent, qui commençait merveilleusement (les 5 premiers épisodes sont parfaits à tous les...

le 1 oct. 2013

70 j'aime

36