PREMIER ESSAI CRITIQUE


Ce qui me gêne avec ce film, c'est que ce n'est pas aux bourreaux de produire le film de leurs propres tortures.


 Il est question ici d'avoir conscience de ce qu'on nous donne à regarder et à "saluer" - et là, on aborde un autre niveau. Ce niveau porte un nom précis : propagande sioniste. Alors, on pourrait croire que cette propagande d'une impunité mémorielle et maladive soit timorée puisqu'elle repose sur le subjectivisme. Seulement ce subjectivisme en arrive à dénier la réalité. Alors oui, l'horreur, oui. Mais est-ce vraiment tout ? Comment faire du sentimentalisme sans évoquer un seul instant la cause principale ? C'est donc bien une vision très appliquée et choisie par l'auteur ; je ne suis pas étonné qu'il ait trouvé un financement, une distribution et un écho international très corrects.


Dans cette critique, je m'attache à l'engagement de Folman et, à mon sens, délivrer un tel film (un art de masse autrement dit), c'est criminel... Au contraire, ça devrait être révoltant ce souvenir... Hé bien non, l'humanisme le perçoit comme quelque chose de fatal, comme une incompréhension.
"On" a tant vanté la technique mais comment ne pas voir que le côté dessin animé participe à la propagande et désincarne totalement le propos authentique et mémoriel ? Et l'Holocauste, ça serait sympa en manga aussi ? Alors, plus que la technique, je ne suis fermement pas d'accord avec ce décryptage de la mémoire collective... Même dans l'oeillère du subjectivisme.


C'est le film qui te dit : la culture dominante sioniste a une conscience humaine et pour cause ! Elle a financé un film qui n'est pas dans ses intérêts ; elle fournit un mea culpa ! Laissez un sale inconnu vous foutre sur la gueule, je suis convaincu que vous succomberez à ses excuses. Mais un mea culpa ? Non, même pas.


Pour son centralisme,
son immobilisme,
son absence de conscience,
son laisser-faire concernant des événements dramatiques,
"Valse avec Bachir", c'est le BHL du dessin animé, le petit Finkelkraut illustré ; c'est dire comment on jette les bombes sur des maisons voisines, comment on les a filmées et comment on en fait commerce ; c'est faire passer, avec un ridicule assez convaincant, tous les soldats de Tsahal pour des déficients émotionnels et aveugles qui ne savaient pas ce qu'ils faisaient ou ce qui était en train de se passer (et quand je dis "en train", je l'entends déjà siffler). C'est immoral au possible et chaque dernier raid aérien de Tsahal accentue encore mon point de vue. C'est immoral dans la mesure où cela voudrait nous faire entendre qu'il n'y avait que des victimes... Sans rapport de force ? Vraiment ? La subjectivité émotionnelle en réponse à des événements historiques collectifs sonne à mon ouïe comme une complaisance en creux envers l'armée israélienne.
La guerre et ses massacres sont le signe de rapports de force volontaires et conscients dans les intérêts de chaque intervenant ; ce ne sont pas des fatalités qui arrivent "à l'insu de leur plein gré".


Et que dire du soutien "providentiel" d'Arte ?
Que dire du soutien financier accordé par Israël ainsi que le mutisme du réalisateur à propos de Gaza lors d'une cérémonie ?


Moi, j'appelle ça une sainte hypocrisie idéologique.
Je ne suis pas dupe, c'est tout ce que je dirai.




SECOND ESSAI CRITIQUE


Il a l'air de ne pas prendre parti au travers du subjectivisme, ce film. Tout doucement s'immisce l'idée du monstre humain. Attachant, n'est-il pas ? Aussi j'appelle ce subjectivisme éhonté un centralisme dont toutes les parties sortent à la fois vaincues et vainqueurs.
Or, que s'est-il passé en réalité ? Qui était le dominant ? Avons-nous vraiment besoin d'un film qui nous tend la perche humaniste devant ce qui a été un massacre avec des bourreaux et des victimes en masse. Moi, je trouve au contraire que prendre parti est la moindre des choses qu'on puisse faire ou penser. Parce que c'était grave. Eminemment grave.


Je ne suis pas convaincu que le fatalisme ou la propagande de l'incompréhension soit des méthodes pour que cela ne se reproduise pas.


On ne comprend rien à ce film de lamentation. Typiquement judéo-chrétien. Et donc, au travers de ce laisser-faire, devant un événement qui demeure dramatique dans les mémoires, il y a une forme de déculpabilisation de ce qu'a réellement fait la bureaucratie israélienne. On peut justement me dire que cette vision des choses dans Valse avec Bachir est justement là pour donner une teinte humaniste, pour dire que chacun peut prendre conscience et s'interroger à propos, que chacun peut changer.


Je le confesse.


Mais à mon sens, les pensées vaseuses et métaphysiques tendent justement à tuer le matérialisme d'une situation historique profitable aux sionistes.


Tout le monde tombe dans le panneau du dessin animé qui nous ferait une belle leçon de vie sur fond de guerre.
Mais pitié quoi ! Oui, c'est super bien fait (y'avait les moyens financiers et idéologiques derrière - sans que ça touche aux idéaux de l'extrême droite israélienne) mais est-ce que ma cinéphilie doit enterrer/supplanter la morale de l'Histoire politique ? Pourquoi est-ce cette vision-là qui fait un tabac colossal, distribution à gogo, et non un film qui attaquerait la bureaucratie israélienne d'époque ?
Le cinéma italien a dans son histoire artistique une tradition de lutte critique envers la classe dominante, mais pourquoi ne pas emprunter la vision d'un Il Divo ; ce serait toujours insuffisant mais ce serait quand même la moindre des choses.


Or ici, on a l'idée "on était que des pions, sur un grand échiquier qu'on ne contrôlait pas !". Pourquoi ne pas s'intéresser à ce qui le contrôlait : la bourgeoisie, la bureaucratie militaire et politique d'Israël ?


Bah non (Arte n'aurait pas voulu de toute façon...)


C'est pas un point de vue personnel de la part de l'auteur. Politique oui. Mais pas personnel. Ou alors si c'est effectivement un point de vue personnel, il ne faut oublier que c'est ce point de vue qui est financé et distribué... et pas un autre. Si le but est de montrer la culpabilité de celui qui tient le fusil, pourquoi pas après tout... Encore que que je trouve personnellement le personnage de Rambo bien plus fin dans sa vision de la culpabilité du héros, alors vu comme un prolétaire de la guerre qui subit dans son aliénation les volontés de sa hiérarchie. Et ici ? Que da-lle. Folman arrive à nous faire croire qu'il n'y a personne aux commandes, que la machine s'est emballée pour des raisons parfaitement inconnues et quand le réalisateur est interrogé pour prendre position en dehors de son oeuvre : Que da-lle !


Alors oui, je le dis : ne rien faire, tout comme Tsahal avait laissé faire à l'époque, c'est être criminel. Alors bien sûr, pas aussi criminel que ceux qui ont le doigt sur la gâchette, mais criminel quand même.

Andy-Capet
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le 16 août 2013

Modifiée

le 14 déc. 2013

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