Manuel d'apprentissage - Jour 3

--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au troisième épisode de la quatrième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_2_King_Crocs/2478265
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---

Suite à ce constat effrayant mais réaliste fait avec ma seconde, j'ai décidé de changer un peu de stratégie. Tout en continuant d’entraîner mes loups, j'ai pris l'initiative d'essayer d'organiser la société lycanthrope en prenant exemple sur nos cousins vampires. Je repense à la théorie de *Blade*, qui imaginait à nos deux espèces un ancêtre commun et soupire de penser que nous sommes arrivés à un stade où ils m'en voudraient certainement de simplement prendre exemple sur eux. Le temps de l'entraide et du partage est loin derrière nous, et à défaut de pouvoir le restaurer, nous allons devoir vivre avec et faire face au problème dans l'intelligence et en évitant de faire couler plus de sang que nécessaire. J'ai donc convié mes collègues chefs des meutes voisines à visionner avec moi le film suivant, et leur expliquer le problème afin de réfléchir ensemble à une solution. Il serait stupide de penser que les vampires ne s'en prendraient qu'à ma meute. S'ils arrivaient à nous décimer, ils ne s’arrêteraient pas en si bon chemin, et mes frères alphas auraient à craindre pour leurs louveteaux. Alors autant travailler ensemble le problème à la racine. Être solidaire. 
Malheureusement pour moi, le film du jour ne m'a pas aidé à me montrer crédible. *Vampire Hunter D* a l'originalité élégante de se dérouler dans un futur lointain complètement halluciné et génial. C'est le point positif du film, son univers riche, dérangé, peuplé de créatures toutes plus effrayantes les unes que les autres. Et c'est là qu'intervient tout de suite le point négatif : les vampires et lycanthropes (très en retrait mais existants, à ma grande surprise) semblent bien fades face à tout ce bestiaire d'une richesse impressionnante. Que vaut la force surhumaine des vampires face au talent de déformer l'espace d'un mutant ? Comme pour *30 jours de nuit*, j'ai la désagréable impression d'être face à un film qui se force à être un film de vampire. Est-ce que l'étiquette est si vendeuse qu'on en fait passer le scénario au second rang pour s'assurer d'obtenir une audience ? L'argument me parait faible, mais c'est l'impression que ça renvoi. Et forcément, cela froisse mes invités de prestige. Voir nos potentiels ennemis placés sur un piédestal synonyme de popularité et d'opulence a de quoi énerver, surtout qu'encore une fois, la présence de notre propre espèce dans le film ne fait que renforcer notre statut de second couteau, de clin d’œil rigolo, mais certainement pas de vrai personnage, réfléchi, profond et travaillé. 
Mais peu importe, car malgré un scénario branlant -la faute pas uniquement à cette histoire de créatures stars et inégales mais à une narration globale pas très aboutie dans ses thématiques et pas très cohérente par moments- le film séduit malgré tout. L'univers, j'en ai déjà parlé mais j'étends cela à l'ambiance générale, au malaise que procure certaines scène, à l'oppression que crée la nuit, au style graphique, au rythme énigmatique ; tout cela donc est d'une cohérence et d'un saisissement sombre, qui plonge le spectateur dans un état malsain. Le tout appuyé sur des musiques audacieuses et sympathiques, et sur un twist de fin qui, bien que bancal (comme le reste de la narration), fonctionne comme une friandise finale agréable. 
Bref, est-ce par respect, par sincérité ou par crainte de ma personne, mes hôtes se sont montrés conquis. J'ai pu profiter de cette atmosphère plutôt favorable, bien que pas très encline à épiloguer sur le film -dont les défaut sous-jacents n'auraient pas résisté au débat, pour aborder le vrai sujet de la réunion. Je leur ai parlé de la volonté des vampires de s'en prendre à ma meute et à celle, tout juste naissante, de Lycaon, comme tentative de tuer dans l’œuf ce qu'ils interprètent comme la volonté de créer une super-meute qui entrerait en rivalité avec leur propre mafia de la nuit. Et de ma volonté de riposter à leur stupidité en créant effectivement cette super-meute de manière bien plus intelligente que ce qu'il craignait -et qui ne serait d'ailleurs pas arrivée du tout s'ils nous avaient laissé en paix. Ils ont compris, bien sur, mais j'avais négligé à quel point les loups étaient fiers : La première -et unique !- question à s'être posé a été celle du pouvoir. Si nous créons une super-meute, alors qui en sera le chef ? Bien sur, la question n'était qu'une façon polie de protester contre la réalité : bien sur que j'en aurais pris la tête, vu mon age et ma puissance. J'ai modéré. Si mes semblables sont propices à se souvenir que j'ai une expérience immensément longue de la vie de loup, ils en oublient parfois que j'ai vécu aussi bien longtemps dans la société humaine. J'y ai appris la courtoisie et l'hypocrisie. Je sais dire les choses fâcheuse sous un angle flatteur et altérer la réalité par des mots bien choisis. Je leur ai fait comprendre qu'ils resteraient chefs de leur meute, mais qu'en cas de nécessité, nos communautés seraient plus solidaires, enclines à se soutenir mutuellement. Se battre aux cotés d'une cheffe de guerre prestigieuse semblait les emballer autrement que de s'y soumettre. Bien sur, dans les faits, cela ne changeait rien : évidemment que j'aurais besoin localement de secrétaires pour assurer la petite maintenance quotidienne des groupes. Mais face à l’événement historique qui se prépare, je serai seule décisionnaire de la lutte à mener. C'est satisfaite que j'ai refermé la porte derrière le dernier de mes invités, tard dans la nuit. Malgré des conditions peu favorables -un film pas formidablement flatteur et une requête lourde, j'avais obtenu ce que je voulais. Lycaon a peut être raison finalement, quand il me murmure que je suis capable de tout obtenir.