Deux hommes scrutent une ferme délabrée. Ils pourraient être marchands de biens ou récupérateurs de matériaux. Leur fourgon se gare dans la cour. Une douzaine de costaux en descend, s’équipant méthodiquement, des professionnels, des tueurs de vampires.
J’aime tout chez John Carpenter. Réalisateur indépendant et original, il n’a cessé de vilipender le consumérisme américain, l’abandon de « la liberté au profit de l’ordre ». Ses héros sont des individualistes, souvent sociopathes. À l’aulne de ses succès, Vampires paraît trop sage, simple crossover entre le film d’horreur draculesque et le western à la Sam Peckinpah. Sage, mais brutal.
La première demi-heure est exceptionnelle. Chasser les vampires, c’est crade, fatigant et dangereux. Oubliez la gousse d’ail et les chapelets, les cercueils en taffetas et les tenues de dandy. Cela tient plus de la chasse au gros et du curage de fosse à merde. Un sale boulot. Un vampire, c’est solide et vicieux. La meilleure méthode : le harpon et le treuil qui extirpe le gueulard de sa tanière et le projette à l’extérieur, il crame au soleil. Par temps couvert, c’est le pieux dans le cœur et, par sécurité, la décapitation.
Le premier combat est filmé en gros plan, le second est écourté, les suivants seront évoqués par le crissement du treuil... Une amusante synecdoque. La journée est longue et le tableau de chasse éloquent : huit cranes calcinés pour sept goules et un mâle. Hélas, le maître manque à l’appel. Il se vengera.
Les outils rangés, les chasseurs ripaillent, bière et putes à volonté, dans un motel.
- On sait qu’il y a un Dieu.
- Il y a des fois où on ne le comprend pas toujours.
Le film repose sur les solides épaules de James Woods, condottiere à la solde du Vatican, un chef charismatique, rancunier, viril, implacable et épargné par les vagues à l’âme.
Le scénario s’égare, nous servant une vague histoire de « premier vampire » et d’artefact, mal exploitée. Sa vision des buveurs de sang flotte, hésitant entre des surhommes, rivalisant avec les véhicules à la course, et des morts vivants alanguis et benêts. Peu importe. James Wood est brutal et dur au mal et la musique de Carpenter excelle dans l’hymne à l’angoisse. Jamais plus vous n’écoutez un grincement de treuil de voiture sans frémir...