« Je disparais dans le flou, je vous quitte » resteront comme les derniers mots sur pellicule de la grande Agnès Varda. Varda par Agnès, énième film-portrait, a ceci de troublant qu’il revisite tellement toute son œuvre, de long en large, de courts en longs, qu’il est impossible de ne pas le percevoir comme un film-testament. Evidemment, on pouvait déjà en dire autant il y a onze ans avec Les plages d’Agnès, qui passait aussi en revue, dans un désordre joyeux, son parcours, mais il y avait encore un désir intact de créer, de continuer, qui semble s’être éteint ici. Varda répète qu’elle a quatre-vingt-dix ans, qu’elle a mal partout. Il s’agit donc d’une causerie, plutôt de deux causeries montées dans un film, sorte de leçon de cinéma entrecoupée d’images de ses propres films. Ça pourrait être un syndrome La mort en fuite s’il n’y avait cette approche légère et ludique, ainsi que ce concert d’anecdotes qui vise justement moins la leçon magistrale que le touchant dernier autoportrait. Certes on peut se dire que Varda radote et refait ses Plages, d’autant que de nombreuses anecdotes sont mentionnées de la même manière, montées pareilles, mais l’esprit, lui, a changé, ce n’est plus le film d’une femme voguant assurément vers ses quatre-vingt printemps mais la causerie d’adieu d’une sereine nonagénaire. Et ça se sent en permanence, c’est évidemment très émouvant.