Décidément le duo romantique formé par Irene Dunne et Charles Boyer aura été source d'inspiration féconde en 1939 : après la rencontre mélancolique sur un bateau chez Leo McCarey ("Elle et lui" aka Love Affair), c'est du côté de John M. Stahl que les deux se rencontrent sous les auspices de la relation interdite (ou presque) encore une fois. Lui célèbre pianiste français en tournée, d'abord perçu comme un espion par les serveuses d'un restaurant avant de laisser transparaître des volontés curieuses pour elles (il veut le fromage sans la tarte), elle serveuse en difficulté impliquée dans une manifestation syndicale et exhibant des convictions qui vont à l'opposé — tout un pan social intéressant pour la décennie 1930, qui sera totalement abandonné par la suite. Ils sont très différents, mais forcément, ils vont tomber amoureux.


Rien de spontané cela étant dit : les sentiments se dévoileront sur le temps long, après un rendez-vous à Long Island sur le bateau de monsieur qui les obligera à débarquer et se protéger d'une violente tempête à l'intérieur d'une maison secondaire (de monsieur, encore). La tempête se transforme en ouragan et c'est en cherchant à rejoindre la ville que le couple se réfugiera dans une église, scène parmi les plus belles de "When Tomorrow Comes", à la fois apogée de cette nuit romantique et dernier moment suspendu dans le temps avant les révélations du lendemain. Le pianiste est marié, et sa femme (Barbara O'Neil) semble souffrir d'une détresse psychiatrique résultant d'un drame obstétrique : lors de la rencontre entre les deux femmes, c'est tout un pan de souffrances et d'emprise qui se révèle de manière très parcellaire, laissant à l'état de suggestion une vie de contrainte. Stahl referme cette courte et intense idylle nocturne sur une séparation asymétrique entre Boyer et Dunne : lui pense sincèrement qu'ils se retrouveront une fois les événements récents apaisés, elle sait pertinemment qu'elle ne le reverra plus en dépit de son amour et des deux révélations qui l'auront profondément perturbée (d'abord, son statut de célébrité, et ensuite, son statut d'homme marié à une femme).

Créée

le 30 sept. 2024

Critique lue 2 fois

Morrinson

Écrit par

Critique lue 2 fois

D'autres avis sur Veillée d'amour

Veillée d'amour
Caine78
8

Les Amoureux sont seuls au monde

Loin d'être ma période cinématographique favorite, les années 30 n'en restent pas moins des années importantes, où le talent de certains grands cinéastes a pu apparaître aux yeux du monde entier...

le 3 déc. 2018

Du même critique

Boyhood
Morrinson
5

Boyhood, chronique d'une désillusion

Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...

le 20 juil. 2014

144 j'aime

54

Birdman
Morrinson
5

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

le 10 janv. 2015

140 j'aime

21

Her
Morrinson
9

Her

Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en France pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...

le 8 mars 2014

125 j'aime

11