Le mélange des genres est évident. Vendredi 13 s’inscrit à mi-chemin entre le film noir de gangsters et le cinéma d’épouvante mettant en scène un scientifique fou. Chaque versant a sa star : Béla Lugosi campe Eric Marnay, un caïd menacé de mort après s’être débarrassé d’un encombrant compagnon de route ; Boris Karloff interprète un chirurgien, le Dr Ernest Sovac, détournant son savoir-faire à des fins personnelles et machiavéliques. Les deux intrigues ont évidemment partie liée. Après un grave accident de voiture, le Professeur George Kingsley et le criminel Red Cannon sont laissés aux bons soins du Dr Ernest Sovac. Ce dernier, comprenant qu’une importante somme d’argent a été dissimulée par Cannon, décide de tenter de greffer son cerveau dans le corps de son ami George Kingsley. Les deux personnalités cohabitent désormais au sein du même homme et le Dr Sovac va s’échiner à manipuler son patient afin de mettre la main sur le magot. Problème : les gangsters avec lesquels frayait Cannon, c’est-à-dire les amis d’Eric Marnay, disparaissent les uns après les autres…
Une première agréable surprise vient de la mise en scène d’Arthur Lubin. Si l’homme n’a pas la réputation d’être un « auteur », force est de constater que son travail sur Vendredi 13 est de bonne facture. Ses mouvements de caméra, sa science du cadre, ses nombreux jeux d’ombres font le sel d’un long métrage hybride, faisant la part belle à un chirurgien sans scrupules et à des caïds réglant leurs comptes à coups de révolver. Le scénario de Curt Siodmak fait circuler l’intrigue d’un carnet de notes à l’écran, mais demeure finalement assez convenu dans les deux dimensions du film : ni la vengeance de Red Cannon ni les expérimentations du Dr Ernest Sovac ne surprendront en effet le spectateur. Cela n’empêche pas Vendredi 13 de faire son œuvre. Un voyage à New York pour raviver la mémoire de George Kingsley/Red Cannon, un meurtre en ombres chinoises, un scientifique devant composer avec les aléas de ses expériences, une femme fatale, une brève poursuite sur les toits de la ville, deux comédiens emblématiques : le film d’Arthur Lubin comporte quelques satisfactions, d’ampleur variable, qui justifient à elles seules que l’on s’y intéresse.
Sur Le Mag du Ciné