Tiens, c'est curieux, pas une seule chronique sur ce film; à moi donc d'ouvrir le bal. Bon, il s'agit d'une sorte de fable qui met en scène une famille d'ultrariches, à la tête de laquelle on trouve un libertarien charismatique, dénommé Amon Maynard, et totalement décomplexé. Le film ne prétend pas à un quelconque réalisme, mais va plutôt illustrer la toute puissance de cette caste par des éléments fictionnels qui le font s'apparenter à une fable. Les excès du pater familias et de son entourage sont ainsi largement exagérés, sans doute pour bien faire passer le message. Politiciens, journalistes, institutions policière et judiciaires, industriels : personne ne parvient à enrayer la liberté que revendique et s'attribue Amon Maynard. Et personne n'essaie véritablement à vrai dire : la couardise, nourrie par des intérêts toujours bien sentis, de pans entiers et de piliers de nos sociétés est ici exposée sans fard.
Le tout est soutenu à l'écran par des images très colorées, à la limite du technicolor. Une somptueuse demeure plus blanche que blanche, des pelouses plus vertes que nature. Le luxe s'étale sans limite, entre fêtes somptueuses et collection de Porsche. Par moment, on croirait lire un magazine people, d'autant que Madame Maynard (plus âgée que son mari) s'adonne aux bonnes œuvres. Le couple a d'ailleurs adopté deux petites filles (une d'origine asiatique, l'autre d'origine africaine). Et il essaye avec acharnement de procréer. Le genre d'histoire qu'on trouve dans Gala, quoi. Tout comme on va y trouver l'image d'une famille de conte de fées unie et heureuse, que les Maynard s'efforcent de montrer. Par moment, on a ainsi l'impression de visionner un documentaire promotionnel à propos d'un couple de people.
Mais il ne faut pas s'y tromper : le film est dans son ensemble glaçant. Les réalisateurs n'ont pas choisi le registre de la farce, et il ne déclenche donc pas d'éclats de rire. Est-ce le côté germanique ? Toujours est-il que ça m'a fait penser à certains égards à "La zone du dehors" (avec notamment ce gout prononcé des protagonistes pour la nature, mais sans le côté forcément éphémère de la situation), ainsi qu'au "Ruban blanc" (pour ses enfants tortionnaires et dénués de toute empathie). Quoiqu'il en soit, ça demeure une dénonciation des créatures à l'hubris hypertrophié que fabrique l'excès de libéralisme économique, et qui a en outre su emprunter des chemins picturaux et narratifs originaux.