Venus aveugle
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Venus aveugle

Film de Abel Gance (1941)

Le début ressort du mélodrame classique un peu poussiéreux : quand elle apprend qu'elle va devenir aveugle, Clarisse cesse son travail de retoucheuse de photos pour reprendre son poste de chanteuse de bar. Ce n'est pas pour plaire à son amoureux, le Capitaine soupe au lait d'un rafiot sur la touche. Du coup, notre belle décide purement et simplement de le quitter, en mode Traviata : éviter la déchéance devant l'aimé, lui épargner de s'occuper d'une handicapée. Le coeur meurtri, elle lui joue la comédie du désamour. Bon, les conventions ont la peau dure.

Sauf que, doucement mais sûrement, le mélo tisse sa toile et installe ses filets. Quand le bébé de Clarisse meurt, les acteurs se font soudain sobres, la parole rare, la mise en scène sublime. Sommet d'intensité à l'église quand l'enterrement du bébé de Clarisse croise le baptême de l'enfant du Capitaine qui s'est marié. Viviane Romance n'a jamais été aussi inspirée, dans ces gros plans propres à Gance qui tiennent de la transe, où la parole se fait extase, surfe avec le pompier et trace sa route jusqu'à la jouissance (comme à la fin démente de Cyrano et d'Artagnan). Admirons aussi les différentes chansons au cabaret (celle où Clarisse apprend la mort de son enfant, sans qu'on entende un mot; celle où elle revient chanter dès le lendemain "Je hais les hommes"), où Romance parfaitement crédible tient la dragée haute à une assistance au casting impeccable (l'enfant, les loups de mer, le marin amoureux, les trognes...).

Dommage que le dernier quart d'heure soit si unanimiste, avec tout ce petit peuple se pliant en quatre pour faire voyager l'aveugle imaginairement. Un côté Amélie Poulain trop raccord avec la dédicace initiale au Maréchal Pétain. Mais on sait que ce malheureux Gance a toujours été à côté de ses pompes politiquement (le second "J'accuse" pacifique en 1938, une aberration).


LunaParke
8
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le 14 oct. 2024

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