Venus se noie ? Appuyons-lui sur la tête.
Ce fut dur de voir le film. Andrew Parkinson n'est pas franchement connu du grand public (à tort) et "Venus Drowning" n'est sorti que très tardivement en DVD (et pas encore en France). Donc j'ai été contraint de faire venir le film d'au-delà des mers. Et bien entendu, je ne le regrette pas.
"Venus Drowning" est, à l'instar de ses deux précédents longs que son "Moi zombie, chronique de la douleur" et "Dead creatures", un film qui utilise le fantastique comme prétexte pour porter un regard sur la société, sur les laissés pour compte, les marginaux. "Moi zombie..." et "Dead creatures" pouvaient, bien qu'Andrew Parkinson le nie, être vus comme des films sur le SIDA et la réaction non seulement des malades/morts-vivants face à leur condition, mais également de la société à leur égard.
"Venus Drowning" abandonne les zombies et penche vers des choses que n'aurait pas reniées Cronenberg. Nous suions donc une jeune femme, plongée en pleine dépression suite à la mort de son conjoint, une fausse couche et une tentative échouée de suicide. Sur ordre de son médecin, elle part chercher à se reconstruire dans la maison familiale au bord de mer. C'est sur la plage qu'elle trouvera la chose que Parkinson décrie comme "un bébé sirène avec une bouche semblable à un vagin". Elle ne sait pas ce que c'est, nous non plus, et franchement, tout le monde s'en moque.
Ce qui compte, c'est la relation qu'elle va entretenir avec la créature. Car tout d'abord, notre héroïne (comme ce titre lui sied bien...) aura une attitude toute maternelle envers ce truc tout à fait dégueulasse. Elle baigne la chose, lui fait un massage cardiaque... Car oui elle découvre la bestiole quasi mourante et se reconstruit avec elle (avec ça ?) en en faisant l'enfant qu'elle n'a pas eu.
Mais là où la situation dérape, c'est quand elle découvre que la chose exsude un fluide étrange quand elle est en bonne santé. Un fluide visqueux qui n'est ni plus ni moins qu'une drogue puissante et hautement addictive. Seulement la bestiole a besoin d'être nourrie pour produire la came de notre héroïne. Et de quoi se nourrie-t-elle ? D'orgasmes. D'énergie sexuelle.
Et vous imaginez maintenant la tournure que prend un film où l'ersatz immonde d'enfant d'une dépressive profonde se gorge d'orgasmes pour subvenir aux besoins de sa junkie de mère adoptive.
Alors je vous rassure (ou vous déçois) mais ça ne vire pas à la fornication tous azimuts et au léchage de blob, Parkinson ne donne pas dans le gratuit (les scènes de sexe sont d'ailleurs plus présentées du point de vue de la chose que des participants). Mais je ne vais pas tout raconter, parce que ce serait gâcher la découverte du film d'un cinéaste encore trop méconnu.
Donc "Venus Drowning", est-ce que c'est bien ? Oui. Pour ceux qui ont déjà vu ses précédents films (je ne compte pas là-dedans le segments "Mutant Tool" issu de "Little Deaths"), on trouvera des similitudes. Nappes de musiques planantes, rythme lent propice à l'étude de son personnage, une atmosphère loin de sentir la joie...
Mais ce qui est superbe chez ce réalisateur, c'est son œil sur le monde. Il traite de gens cabossés, qui ont vécu mille tourments et vont en vivre mille autres, sans jamais être sadique avec ses personnages, sans jamais les accabler. Il les fait souffrir et a cette formidable capacité à nous faire partager ces souffrances. Pas pour nous donner la gerbe ou nous tendre comme le ferait un navet comme les énième suites de "Saw". Mais je pense simplement pour nous dire "Voilà, ça existe." Pas les monstres ni les zombies certes. Mais la souffrance, l'isolement, le désespoir... Parkinson nous donne à voir des monstres mais nous parle des Hommes. Ce n'est pas pour rien que le DVD anglais de "Moi zombie..." titre "Quand Romero rencontre Ken Loach".
Donc oui "Venus Drowning" c'est triste, c'est dur, ça peut être déprimant même, mais à l'heure où le cinéma de genre s'embourbe dans de minables "Annabelle" ou "Délivrez-nous du mal", procurez-vous dès que possible le DVD (et ceux de ses autres films aussi, il en a fait que trois et ils sont tous bons) et soutenons un cinéma de genre qui a quelque chose à dire.