L’avantage avec les prises de risque récentes du cinéma de genre en France, c’est qu’il permet de retourner voir des propositions depuis longtemps réservées au DTV ou au formatage US le plus aseptisé. Aller voir Vermines en salle, c’est renouer avec la tradition du film de bestioles invasives, avec toute la syntaxe attendue des créatures hors-norme, de la bande de résistants, des jump-scares et d’une escalade d’adrénaline. Sébastien Vaniček, qui signe ici son premier long métrage, convie donc le public à une immersion assez éprouvante au sein d’un immeuble de cité assiégé par des araignées exotiques particulièrement coriaces. On s’interrogera peu sur la crédibilité d’un scénario assez paresseux lorsqu’il s’agit d’expliquer la rapidité de reproduction et de croissance des dites bestioles, au profit du portrait de cette jeunesse des quartiers qui cherche à bosser (dans la revente de chaussures ou le bâtiment) et serre les poings face à l’adversité. Amis séparés, fratrie abîmée par le deuil d’une mère, suspicion constante des autorités à l’égard des initiatives : Florent Bernard, associé à l’écriture, prend soin d’approfondir les portraits avec une belle souplesse, s’appropriant certains clichés pour mieux aller en décaper d’autres, et, surtout, faire exister des personnages pour lesquels la tendresse est réelle. Ainsi de la manière dont il parvient à équilibrer la partition du conflit et des cris permanents par des saillies d’humour particulièrement bien servies par le personnage de Jérôme Niel.
La tension croissante est parfaitement gérée par Vaniček, qui se fait la main sur quelques exercices de style comme la très efficace scène de la salle de bain, où le spectateur en sait davantage que les protagonistes grâce à une savante construction sur les arrières plans et les jeux de miroir. De la même manière, le travail sur les séquences alternées nourrit une bonne gestion du rythme et un équilibre entre les scènes dialoguées du groupe et les scènes muettes de TN ou de la femme de ménage, autant de mises en bouche avant la grande embardée de la deuxième moitié du récit.
C’est là la grande réussite d’une structure somme toute très linéaire, et dans laquelle on n’attend ni révélation, ni rebondissement : suivre des rats dans un labyrinthe, dans un huis clos étouffant qui revisite de façon exacerbée les angoisses du confinement. Des cages d’escalier aux appartements, du parking aux couloirs infestés, les trajets se resserrent et les issues se bloquent, justifiant une folie croissante dans le filmage (plans débullés, caméra tournant sur elle-même) et une perte des repères accentuée par des lumières défectueuses ou sadiquement minutées.
Dans cette course claustrophobe, le rôle donné aux autorités est tout à fait judicieux, permettant de traiter l’incommunicabilité entre jeunesse et forces de l’ordre et violences policières sans jamais tomber dans la gratuité. Vaniček n’oublie pas le lieu dans lequel il s’amuse, et en exploite au contraire les enjeux pour nourrir son récit, qui se permet ainsi quelques détours sociétaux tout à fait pertinents venus épaissir un divertissement horrifique de très bonne facture.