N'étant déjà pas le genre de personne touché par les films d'horreur, et encore moins par les araignées (à vrai dire, je les aime beaucoup ces petites bêtes), forcément que je n'étais pas la cible de ce Vermines. Pourtant, le film possède une certaine patte, Sébastien Vaniček est loin d'être un tâcheron. Chose qui se confirme lorsqu'on regarde ses courts-métrages, en tous cas Pas bouger et particulièrement Holo, faute d'avoir pu trouver les autres quelque part : en plus de retrouver Jérôme Niel dans les deux œuvres (jamais été un grand fan de ses vidéos sur YouTube, mais ici il se débrouille bien), on retrouve avant tout ce décalage, cette manière de présenter des personnages qui s'éloignent des clichés qu'on aurait pu avoir dans d'autres longs-métrages. En l'occurrence, déjà dans Holo, Vaniček détournait la contrebande vers… les cartes Pokémon ; dans Vermines, bien que ça reste (heureusement) plus subtil, on retrouve un Kaleb (Théo Christine) qui vend des chaussures et Mathys (Jérôme Niel) qui passe sa journée à voler des vélos. Pour continuer sur les personnages, j'ai beaucoup apprécié suivre ce « club des cinq » : ils ont tous droits à leur petit moment à eux, on s'y attache, ils ne passent pas leur temps à agir comme des débiles et puis surtout, les acteurs sont bons. En fait, en plus de bien se compléter, les personnages sont même plutôt lucides : le film ne passant pas des heures à tourner autour du pot, puis à nous rappeler, que c'est Kaleb qui est à l'origine de l'invasion de ces araignées. Bref, le film ne nous prend pas pour des abrutis.
Ce n'est pas de la grande subtilité non plus hein. Bon déjà, le titre est aussi peu subtil que bien trouvé. Forcément, les araignées n'étant pas des vermines (ce sont justement de magnifiques arthropodes qui chassent les vermines), on comprend que ce sont les habitants des cités, et en l'occurrence ceux des arènes de Picasso, qui sont visés, rejetés, écrasés. Toujours dans le registre de la subtilité, j'ai été surpris de lire dans le dossier de presse que Vaniček voulait « éviter les clichés du film de banlieue »… c'est quand même un peu raté pour le coup. Ce n'est pas en détournant gentiment certains codes ou en introduisant un peu de Yang dans le Yin, et inversement, qu'on sort du cliché. En l'occurrence, qu'il y ait « un bon flic » (si tant est que ça puisse exister) parmi cette horde de flics un peu bêbête (pour parler poliment), et inversement, quelques gars bien lourds parmi les habitants de l'immeuble ne fait pas sortir ce film des clichés. De surcroit, le fait que les plus gros connards du film soient blancs auraient tendance à davantage accentuer les clichés. Alors, certes, le fan de Metal Gear Solid que je suis est toujours ravi de retrouver Emmanuel Bonami, mais j'ai l'impression qu'on tente de m'acheter là !
En fait, ce Vermines ne sort pas tant des rangs que ça puisqu'on y retrouve un schéma relativement classique et prévisible pour un film du genre. La pire des scènes étant sans nul doute le sacrifice de Mathys lors du dernier acte : pas bien logique, ni même intelligent, tant cette action a surtout failli conduire ses amis à la mort (bon y a aussi les flics, mais ça on s'en fout). Dommage que Vaniček ait voulu à tout prix conclure son long-métrage par une séquence héroïque, tout du moins présentée comme telle. Dommage aussi que le rallongement de certaines scènes se fassent tant sentir, qu'il ralentisse son rythme sans que cela soit bien nécessaire : Vermines aurait très bien pu durer un gros quart d'heure de moins sans qu'on n'y perde quoi que ce soit.
Malgré tout, ce Vermines arrive à esquiver de nombreux autres écueils, plus ou moins inhérents au genre et au lieu dans lequel se déroule le long, notamment le côté « bandeur de banlieue » qu'on retrouve bien trop souvent. De surcroit, Vaniček arrive à maîtriser son environnement, en nous présentant un lieu qui évolue au fur et à mesure que le récit avance, qu'on arrive à voir évoluer sans forcément s'y perdre en tant que spectateur (l'un des nombreux points que ratait Speak No Evil que j'ai vu récemment). Une qualité aidée par le fait qu'il arrive à toujours choisir le bon angle pour la caméra : en nous montrant l'amour pour le lieu dans lequel il a grandi, le bon plan/angle qui fait mouche (le fameux coup du zippo dans le couloir) ou le plan qui arrive à nous dire, nous faire comprendre quelque chose, sans forcément nous le répéter plus tard, oralement. Reste à noter le fait que le long arrive à très bien gérer entre images de synthèse et véritables araignées. En tous cas, bien qu'elles fassent un peu fake par moment, notamment lors de la montée des escaliers à la fin de l'avant-dernier acte, je n'ai à aucun moment été sorti du film.
Je n'y croyais pas plus que ça, en plus de ne pas être la cible pour rappel, et pourtant, j'ai été plutôt convaincu par ce Vermines. Le film est bien écrit, shooté, joué. Son propos, sans être des plus subtiles, fonctionne. Bref, une bonne surprise, même si, je le concède, certains spectateurs en ont fait des caisses dessus.
Je suppose que tous ceux qui liront cette critique seront déjà au courant, mais Vermines a permis au duo Florent Bernard et Sébastien Vaniček de travailler sur le prochain Evil Dead. Forcément, appréciant la trilogie de Sam Raimi, j'ai hâte de voir ce qu'ils vont pouvoir proposer, je pense qu'ils ont les épaules pour cela. Reste à voir s'ils auront les épaules pour supporter le poids du fonctionnement de l'industrie américaine, qu'ils ne se feront pas avoir par les producteurs, comme beaucoup d'autres avant eux. Il ne reste plus qu'à prier… enfin, je crois.