Un après-[REC] appréciable pour le réalisateur Paco Plaza

Les noms de Paco Plaza et de Jaume Balagueró sont désormais entachés dans le domaine de l’horreur, c’est un fait. Et pour cause, alors que les deux réalisateurs avaient réussi à choquer le monde entier avec leur excellent [REC] (film d’horreur en found footage d’une efficacité diabolique), ils ont connu la déchéance en provoquant celle de leur franchise. Si le second opus tenait encore la route sans faire honneur à son aîné, les volets intitulés Genesis et Apocalypse le ruinaient au plus haut point. En étant d’une grossièreté sans nom et l’insultant même, car regroupant les plus gros défauts qu’une suite peut avoir (manque de mise en scène, angoisse aux abonnés absents, invraisemblances ridicules…). Difficile donc pour les deux cinéastes de rebondir après cela, et de redorer un peu leur blason. Mais heureusement pour eux, rien ne semble perdu. Du moins pour Paco Plaza, qui nous revient cinq ans après [REC] 3 avec Verónica. Un long-métrage d’épouvante qui, avouons-le d’office, ne marquera pas les esprits comme il l’avait fait avec son compère en 2007. Mais lui permettant de revenir un peu plus sur le devant de la scène, via un soupçon d’efficacité bienvenu.


Bien évidemment, ce n’est pas sur le terrain de l’originalité qu’il faut attendre quoi que ce soit de la part de Verónica. Avec tous les titres du genre horrifique existants, cette histoire de phénomènes paranormaux sent le déjà-vu. Paco Plaza nous livre ce qui se présente comme une énième intrigue de possession démoniaque, suivant une jeune adolescente en proie à d’étranges situations que nous avons vu maintes et maintes fois au cinéma. Une ombre qui passe sur le mur, des mains monstrueuses sortant de nulle part, une silhouette qui apparaît sans crier gare, des bruits soudains… encore une porte qui claque ! Sans compter que le projet nous resserre la carte « inspiré d’une histoire vraie », ce qui le limite énormément dans l’originalité des séquences. Et quand il faut tout de même combler les trous de l’histoire (car il faut une part de fiction pour meubler et divertir) par des instants horrifiques, ces dernières donnent au film un petit aspect ridicule (le fait de voir le démon, humanoïde quasiment informe) flinguant une véracité pourtant prônée par le film. Et ce jusqu’au générique de fin, durant lequel les véritables photos des faits nous sont dévoilées. Cela peut titiller notre façon de voir l’ensemble en nous faisant douter, mais comme ce n’est pas le premier à le faire, le long-métrage n’arrive pas à sortir du lot. Clairement ! Rien de neuf à l’horizon, rien d’original à nous proposer… bref, nous sommes en terrain connu !


Et pourtant, malgré ce qui peut se montrer comme un paragraphe plutôt assassin, je vais rectifier le tir en disant que Verónica, bien que classique au possible, fonctionne bien dans l’ensemble. Je dirais même qu’il surprend par bien des aspects, s’éloignant des standards horrifiques actuels. Par là, il faut comprendre que le film ne tombe que trop rarement dans la facilité, celle de balancer du gore et du jump scare à tout-va. Ne le cachons pas, ce film en propose, mais pas tant que cela ! En effet, avec Verónica, Paco Plaza a préféré abandonner tout artifice grossier pour ne se concentrer que sur l’ambiance. Résultat : bien que le film ne soit pas original, ce dernier dégage néanmoins une certaine classe, une certaine atmosphère. Dérangeante, mais également envoûtante, attrayante. Elle parvient à capter notre attention sans mal en ne faisant jamais tonner la musique façon Insidious (les violons du générique). En jouant à fond la carte des silhouettes et formes dans l’obscurité. En profitant de jeux de lumière maîtrisés. En gros, à jouer avec notre appréhension plutôt que notre terreur soudaine. Et franchement, c’est assez efficace et renforce la tension que ce long-métrage se devait d’avoir pour mériter que l’on s’y attarde.


Autre détail aussi qui fait la différence : l’angle narratif. Reprenant le leitmotiv « le seul cas d’activité paranormale officiellement reconnu par la police espagnole », Verónica aurait très bien pu là aussi plonger dans la facilité en adoptant soit le point de vue de la police même (ce qui était le plus évident au premier abord), soit celui de la mère. Mais au lieu de cela, le long-métrage prend celui de la victime même. Une adolescente de quinze ans, obligée de s’occuper de ses jeunes frère et sœurs alors que leur mère s’absente quotidiennement à cause de son travail. Incitant donc la jeune héroïne à devoir affronter les événements par elle-même. À mélanger astucieusement les choses qui la dépassent, qu’elles soient démoniaques (les manifestations de l’esprit frappeur) ou bien réelles (la relation mère/fille difficile, l’absence du père, l’amitié vacillante des années lycée, les règles…). En prenant également en compte l’interprétation plutôt juste de l’actrice, Sandra Escacena, Verónica réussit là où très peu de films d’horreur parviennent à capter notre attention : le film nous livre un personnage attachant. On s’intéresse à ce qu’elle vit, à ce qu’elle subit, et nous sommes avec elle du début jusqu’à la fin. On a vraiment envie de la voir réussir, à sauver ses proches et renvoyer le démon là d’où il vient. Et ça, c’est un point fort dont peut se vanter le long-métrage !


Pour conclure, Verónica n’est pas mémorable. La faute venant du fait que le film n’apporte rien de neuf au genre, que ce soit au niveau du scénario ou bien de la mise en scène. Cependant, il faut reconnaître son efficacité et ses partis pris pour le moins judicieux qui en font un titre horrifique appréciable. Nous sommes très loin de la claque qu’avait été [REC], cela va sans dire. Mais avec cette toute nouvelle réalisation, Paco Plaza arrive à faire oublier qu’il a été à la tête du troisième opus de la franchise (le quatrième ayant été dirigé par Jaume Balagueró) et le remet sous le feu des projecteurs. De quoi relancer sa carrière ? À l’international, certainement pas ! Mais au niveau local, c’est déjà un bon début. Et franchement, nous n’en demandons pas plus pour le moment.

Créée

le 1 févr. 2018

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