Et je le sais pourtant que je devrait être moins généreux envers ce film, et elle me titille cette part rationnelle en dedans de moi qui me dis que bon dieu, c'est beau, c'est très beau même, mais y'a pas de quoi en faire de la pâtée pour les canards.
Mais que voulez vous, d'une manière parfaitement paradoxale et inattendue, j'ai été ému. Et encore, ce n'est pas tant le film en sa globalité, que les détails qui le parsèment. Moi pourtant qui est généralement sensible à l'ensemble d'une oeuvre, voila que je m'émerveille pour des détails, parsemés discrètement dans un ensemble anesthésiant.
Je suis sorti de la séance apaisé, comme rarement je ne l'ai été à ces moments là.
Peut être est-ce dû au fait que malgré mon intérêt pour toute forme de rêvasserie structurée, je ne sois que très peu au diapason des films contemplatifs et japonais de surcroît.
La sobriété de ce film m'a touchée. Sa réalisation et sa mise en scène contemplatives, tout en restant discrètes m'on séduit. Et cela outre les défauts que l'on peut y trouver, la plupart étant pour moi d'ordres dramatiques. La scène du père est laborieuse et vaine, l'histoire d'adultère, à part être prétexte à un dialogue intéressant entre les deux rivales, arrive dans le récit comme un cheveu sur la soupe miso. Mais même ces longueurs là me paraissent minimes à côtés des autres qualités.
On parle quand même d'un film où un mort reviennent annoncer comme une fleur qu'il est mort, pour ensuite aller faire une promenade petite digestive avec sa veuve dans les recoins les plus paumés du Japon et se la jouer "J'irais dormir chez vous" (mais en beaucoup moins intrusif) avec des inconnus morts et vifs. Ça c'est du pitch qui me plaît.
Le récit, comme les personnages, erre de rencontres en rencontres, se perds parfois, reviens sur ses pas et se déploie avec une sérénité désarmante. On s'attache à ces personnages tout en retenues, et l'on se laisse entraîner sans savoir où l'on va, bien que l'on sache d'avance comment tout cela va s'achever. Et si l'on se retrouve à la fin au même point qu'au début, ce n'est pas sans un certain apaisement, et oui, un sentiment d'acceptation qui serre la gorge d'une douce et juste mélancolie.
Ce n'est pas de la mort dont parle Vers l'autre rive, ni de la vie après la mort, mais des vivants, ceux qui restent. Kiyoshi Kurosawa nous livre contre toute attente un hymne lumineux à la vie. Le revenant Yusuke se fait presque oublier au profit de sa compagne Misuki; ce n'est pas son retour qui es le sujet - dont on n'apprend jamais le pourquoi du comment -, mais le deuil de sa femme, qui, mué en voyage, réapprends à vivre.
Un film, finalement où les morts sont plus vivants que les vivants.