Dans les confins du monde, plus au nord que Rey, l'histoire du Français qui voulait devenir Roi de Patagonie (coproduction franco-chilienne réalisée par Nilles Atallah), un Français, un autre, contemporain du XXIème siècle, décide de suivre les tribulations d'un photographe de guerre français en 1860, en pleine guerre coloniale du Mexique. Malgré son nom crédité à 6 courts-métrages ainsi qu'à 3 documentaires, Aurélien Verhnes-Lermusiaux, réalise son premier long-métrage Vers la bataille, mélange du film d'aventure, western et drame.
Si débuter un film par une scène dramatique est un lieu commun souvent insipide, dans lequel d'ailleurs tombe le réalisateur, la scène suivante lance véritablement le film, une fois qu'un homme à dos de cheval traîne son bardas encombrant de photographe dans une nature intrigante, pleine de fange, aussi marécageuse que luxuriante. Là, dans ces contrées hypnotiques, sa caméra, souvent calme et posée, laisse la vie exultée dans des plans-séquence suffisamment discrets pour être élégants. Cet homme, dont on ne sait quasiment rien, ni de son identité, ni de ses intentions hormis celle de courir après la bataille alors que la bataille le fuit, ni de sa situation géographique et temporelle, intrigue. C'est dans ces espaces oubliés, traversés par un homme qui n'en est pas moins oublié, même par la bataille, que toute la virtuosité d'Aurélien Verhnes-Lermusiaux s'active. Lui, le jeune plasticien compose avec un cinéma organique et sensoriel dont le travail sur le son et l'image tend vers le rendu final d'Aguirre la colère de Dieu réalisé par Werner Herzog, un réalisateur qu'il affectionne particulièrement.
Déambulant, le vague à l'âme dans cet environnement tragique en compagnie de Louis (joué par l'excellent Malik Zidi), on apprendra à connaître cet homme, dès lors qu'il rencontrera son Pinto (Sancho) Panza, un Mexicain qu'il méprisa initialement. Naîtra une incompréhension de leur langue respective, quelques situations cocasses, mais aussi et surtout, une amitié, dans la morbidité de la guerre où le compagnonnage devient vital pour survivre. Plutôt que la brutalité de la confrontation, le réalisateur préféra sublimer cette relation atypique par la passation, d'un savoir, d'un bardas, d'un art. Malgré l'époque révolue, les thématiques abordées renvoient à des interrogations vivaces et contemporaines, qui bernent autant le spectateur que le scrutateur de photographies, en abordant la manipulation des images et les fake news. À l'époque, ni BFM ni Trump n'existaient mais la turpitude des colons gradés était déjà mortifère.
Bien que Vers la Bataille soit un premier long-métrage singulier, c'est dommage que certains plans, notamment celui du travelling en plongée, dépeignent des scènes où l'empreinte du réalisateur est trop prégnante, comme une mise en scène artificielle qui n'a pas réussie à se diluer dans la nature.