Utopie sans cervelle
Quand l’art du combat chorégraphié à l’écran a-t-il cessé d’être une manifestation du sublime ? Quand a-t-il cessé d’être un point d’orgue possible du cinéma, où se mêle le plus haut niveau du...
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le 14 oct. 2024
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Quand l’art du combat chorégraphié à l’écran a-t-il cessé d’être une manifestation du sublime ?
Quand a-t-il cessé d’être un point d’orgue possible du cinéma, où se mêle le plus haut niveau du spectacle esthétique avec la tension viscérale du corps en danger ?
Pour ce qui est de l’aspect viscéral des choses, peut être au moment où certains hommes se sont changés en super-héros immortels.
Et, pour ce qui est du spectacle esthétique, peut être s’évanouit-il, ici, dans une centaine de ralentis kitch (en 3D) sur des corps mis en lévitation par les coups frêles d’une star au sourire dément. Ou n’est-ce qu’un manque d’inventivité - ces effets spéciaux particuliers parvenant, dans d’autres blockbusters indiens, à créer des situations fantasques (les androïdes s’empilant les uns sur les autres, pour former un immense serpent de métal dans Enthiran (2010, S. Shankar)).
Dans les combats, l’espace est nié, la star se déplace sans quitter le cadre, au gré du fracas continuel de la musique, comme dans un clip, et cela, associé à tout le factice de l’action, donne une générale absence de sens. Hors des combats, le problème est similaire, il n’y aucun espace et aucun temps palpable, juste des arrières plans temporaires dans un montage d’événements à cent à l’heure.
Pourtant, dans ce cinéma brutalisé, ce récit perpétuel montage, la morale se veut politique c'est à dire traitant du réel. Le film se veut traiter la question de la violence de la police qui outrepasse l’état de droit, de la maltraitance des plus démunies, et de l’accès à l’éducation. Cela se fait par un tissu narratif extrêmement dense, où le scénario suit de nombreuses variations, pour éloigner petit à petit son héros policier, des exécutions qu’il commet au nom d’une lutte contre le crime et la justice corrompu. Un tissu qui endosse le rôle qui devrait revenir à l’action, venant fréquemment relancer l’intérêt et nous ouvrant l’âme meurtrie d’enseignantes, d’élèves, de parents pauvres, de défenseurs des droits de l’homme, à travers une enquête sur la mort d’une enseignante, pour converger vers la recherche d’une justice sociale.
De beaux efforts pour une simple caricature. Comment être pertinent dans son propos quand, à chaque instant, on méprise la psychologie. Hacker comique, vilain patron d’entreprise prêt à tout pour s’enrichir, malfrats dealer sanguinaire, enseignante parfaite, enfant victime, faux coupable qui se révèle également parfait : il n’y que des archétypes manichéens, que des ordures ou des héros.
En brisant temps et espace pour devenir clip, le film supprime le réel et la vie au cœur des personnages, ne construisant son désir d’utopie que sur un symbole martyr, la belle enseignante tabassée à mort qui revient sans cesse à l’image.
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le 14 oct. 2024
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