Loin des yeux, loin du coeur
Un documentaire intéressant, qui met en lumière la crise de personnalité qui sévit depuis plusieurs année dans le cinéma de genre, plus particulièrement le film d'horreur dans l'Hexagone.
Ce qui m'a frappé, c'est l'extrême fébrilité des réalisateurs, qui avouent leur ras le bol du formatage du cinéma Français et la quasi impossibilité d'imposer leurs idées aux créanciers.
Personnellement, je n'ai vu aucun de ces films, car le pitch ne m'a pas intéressé à la base : violence gratuite et inutile, gore, excès dans tous les domaines que j'avais plutôt trouvé rédhibitoire. Je préfère une ligne scénaristique prenante à un excès d'hémoglobine, que je trouve rapidement grotesque.
Car de l'aveu de tous, y compris des critiques de cinéma et des distributeurs, les films Français vont très loin et se coupent du coup d'une grosse partie du public.
Là où beaucoup de réalisateurs cherchent à divertir, eux "agressent le spectateur", pour provoquer une réaction, une émotion. Mais une émotion trop extrême peut être.
Il y a en plus d'après les auteurs du documentaire un côté idéologique très prononcé dans les restrictions commerciales apposées aux Films Français, alors que les films de genre Américains pénètrent facilement dans l'Hexagone.
Le film souligne également que cette génération de réalisateurs "Mad movies", des passionnés de cinéma de genre, s'empressent de s'enfermer dans le même genre de carcan rigide que leurs aînés s'étaient empressés de faire avant eux, avec le cinéma d'auteur.
La réaction de rejet et la volonté de se diversifier les a du coup poussés vers une sorte de spirale contre productive. Car là où le film d'auteur ou le comique se tourne selon eux avec trois fois rien, le cinéma de genre exige un budget conséquent pour créer l'ambiance. Ce qui se tient tout à fait.
Et c'est un peu ce qu'il ressort des interviews des réalisateurs, avouant que si un "Orphelinat" était sorti en France, le cinéma de genre aurait pu s'imposer plus facilement. Ce type de film étant dans la lignée de l'Échine du diable, des Autres... Plus subtils, plus prenants et dotés de meilleurs budgets, il est compréhensible qu'ils aient marchés en France et ailleurs.
Je regrette que du coup le film Fantastique soit si peu évoqué chez nos réalisateurs et dans le reportage, qui est quand même très qualitatif. Seul le le Pacte des Loups de Christophe Gans est évoqué, on parle rapidement de Kassovitz, pas du tout de Jean Pierre Jeunet, Luc Besson, Alexandre de La Pattelière, Mathieu Delaporte ou Christian Volckman.
Ces réalisateurs et auteurs ont proposés et proposent encore des films moins extrêmes et dotés d'une vraie trame narrative.
En tout cas le cinéma de genre "Français" décrit dans le reportage est pourtant plébiscité en dehors de l'Hexagone et s'exporte bien... Mais reste uniquement centré sur le film d'horreur.
Et c'est ce que j'ai aimé dans le documentaire. C'est une note finalement positive, malgré le fait qu'au bout d'un moment, tous les réalisateurs s'exportent aux États-Unis ou dans les pays Anglo-Saxons pour tourner. Il y a au moins une reconnaissance pour le genre si particulier de ces auteurs et réalisateurs.
Car même aux États-Unis, le film de genre n'est pas non plus la majorité des films. Si on applique un simple ratio entre nombre d'entrées en salles et population totale aux Etats-Unis, le risque encouru est quand même moindre qu'en France, où l'investissement est conséquent pour moins de 50.000 entrées dans la plupart des cas et compte-tenu du fait qu'on n'a quasiment que des films extrêmes.
Sortir un Film aux USA peut donc être risqué en terme d'investissement, mais peut s'avérer rentable au vu du nombre très important de représentations possibles.
Pour finir, j'ai été frappé par l'évolution du discours des réalisateurs, allant au départ du rejet, du ras-le-bol, jusqu'à la fierté d'avoir sorti leurs films, puis par la reconnaissance d'un public en fin de compte. Et finalement le plus intéressant reste la fin, avec les projets en cours. On voit que dans le non dit il n'y a pas un aveu d'impuissance, mais peut être la prise de conscience que quand on veut plaire, le trop extrême ne convient pas forcément. Même si on le fait à la base pour se faire plaisir.
Car ça m'a fait penser à la crise d'adolescence. On veut plaire en se marginalisant, en allant dans l'extrême (ma période Heavy Metal) tout en s'énervant que personne ne nous accepte pour notre différence.
On n'est pas obligé d'intégrer le moule et de forcément perdre toute originalité. Il faut juste un peu de finesse et de doigté pour trouvé sa place et aiguiser sa différence.
Au final, je regrette surtout le parti pris de ne pas avoir vraiment parlé des réalisateurs de films Fantastiques, ou au moins de ces auteurs formidables que sont Alexandre de la Pattelière et Mathieu Delaporte, d'avoir aussi exclus d'emblée de parler de ces ovnis qu'ont été Delicatessen, La cité des enfants perdus ou Alien Resurrection de Jean Pierre Jeunet. Qui ont quand même étés de petits succès : Delicatessen = 1.400.000 entrées en France.
Qu'on ne me dise pas que le film de genre ne marche pas non plus.
Dans tous les cas, ce documentaire m'aura convaincu de voir ces films pour me faire ma propre idée. Après tout, j'aime bien le cinéma de genre. ^^