Pixar a toujours joué avec nos sentiments, et brillamment. Il est donc logique que les studios nous offrent cette histoire dont les protagonistes sont des émotions. Ainsi, "Vice Versa" est en symbiose avec le style Pixar.
Si on est tous plus ou moins touchés par quelques films en particuliers, on peut aisément reconnaître la grande qualité d'écriture de tous les films d'animation du studio à la lampe. Non seulement c'est le cas de "Vice Versa", mais c'est peut-être même le plus ingénieux des scénarios Pixar. C'est hyper ambitieux de s'essayer à faire un film tout public sur le chamboulement des émotions et des souvenirs, et ce dans une psychologique très profonde. La réflexion sur le fonctionnement de notre personnalité est très poussée et semble toujours relativement juste. Ce voyage interne traverse toutes les dimensions de notre cerveau : les émotions, les souvenirs, la personnalité, l'imaginaire, l'abstrait, le rêve... Cette aventure est un parcours initiatique qui propose une illustration de notre conscience convaincante et instructive, mais jamais didactique.
Évidemment les plus jeunes spectateurs ne saisiront pas toute la finesse de cette représentation, mais le film a un pouvoir comique extraordinaire. L'incarnation des émotions est un véritable numéro de clowns qui peut amuser les enfants autant que les grands. Comique de spontanéité et de répétition avec dans le fond un humour plus subtil et référencé. La drôlerie est tenue jusqu'à la toute fin avec ce dernier gag dans la tête des passants, et l'hilarante vision dans les pensées d'un chat.
C'est avant tout la confrontation des personnages, et donc des émotions, qui est drolatique. La truculence de Joie face à la dépression chronique de Tristesse, et autour, Peur, Dégoût et Colère, les traits de caractères sont tous parfaitement incarnés. Il y a aussi confrontation entre les parents et leurs esprits contradicteurs.
Dans cette histoire on voit très peu Riley, et encore moins ses parents. "Vice Versa" reste un film très intérieur. En nous plongeant dans les pensées de la petite fille il pose un questionnement relativement universel, ce que l'on perd en murissant. Les petits détours par l'intérieur d'autres personnages nous montrent que ce fonctionnement laisse place à diverses personnalités. C'est particulièrement saisissant de voir celle de Riley évoluer, et le scénario évoluer avec. Tout est très construit, mais le mélange des sentiments semble d'abord fouillis, quand le bon sens est (re)trouvé, ce mélange des sentiments trouve la bonne harmonie. L'extériorisation de tout cela est touchante et cohérente. On s'attache vraiment à la petite Riley, et bien que peu exploitée, la relation avec ses parents est touchante.
Le film va au bout de son sujet et plonge parfois dans des profondeurs éprouvantes. Les plus jeunes âmes ne sont peut être pas prêtes à subir ces épreuves. En tout cas c'est un message bon à entendre à tout âge, une ode à l'enfance au moins aussi belle que "Peter Pan".
Pour ce qui est du doublage français, pas grand chose à notifier si ce n'est l'enthousiasme génial de Charlotte Le Bon.
Comme chaque Pixar, "Vice Versa" n'est pas du tout un film enfantin. D'une finesse rare, cette aventure est drôle et touchante, singulière et universelle, douce et douloureuse.