Après quelques années d’errance à livrer des produits purement commerciaux (Cars 2, Monstres Academy et Toy Story 3, bien que ce dernier ait été une franche réussite) tout en passant par une sortie de route peu marquante (Rebelle), les studios Pixar reviennent en cette année 2015 avec ce qu’ils savent faire de mieux : l’originalité ! Et pour excuser leur absence en 2014, ce n’est pas un long-métrage mais bien deux qui nous sont offerts en l’espace de quelques mois. En attendant de voir ce que peut donner Le voyage d’Arlo (attendu pour le 25 novembre), les créateurs de Toy Story nous gratifie d’un Vice-Versa qui se présente comme l’une de leurs meilleures œuvres depuis belle lurette !
Les hommes à la tête de ce projet se nomment Pete Docter et Ronnie del Carmen. S’il est important de le savoir, c’est pour vous intéresser à leur filmographie pouvant du coup vous assurer sur la bonne qualité de ce long-métrage d’animation : le premier est le réalisateur de Monstres & Cie et Là-haut ainsi que le scénariste des premiers Toy Story et de WALL-E, le second a également participé à l’écriture d’autres films (Le Monde de Nemo, Ratatouille) tout en travaillant sur la conception de personnages (encore WALL-E). Autant dire que les deux bonshommes savent y faire, étant donné qu’ils se sont retrouvés dans l’équipe, voire à la tête pour l’un d’eux, de projets made in Pixar mémorables. Vice-Versa avait donc toutes les cartes en mains pour être une nouvelle réussite des studios, d’autant plus que ses géniteurs semblent appliquer à la lettre ce qu’ils font depuis longtemps, à savoir jouer avec nos émotions.
Avec Monstres & Cie, Pete Docter était parvenu à donner une vision plus qu’inventive de la célèbre légende du monstre surgissant du placard la nuit. Ici, avec l’aide de Ronnie del Carmen et du coscénariste Michael Arndt (Little Miss Sunshine, Toy Story 3), il réitère en quelque sorte l’exploit de mettre en image ce que nous ne pouvons visualiser. Et pour avoir fait un film tel que Vice-Versa, cela relève du pur génie ! Car même si l’ensemble se permet une structure scénaristique pour le moins classique (le parcours des héros devant rentrer à leur QG pour réparer leurs erreurs), le script se présente à nous comme un festival d’inventivités : faire de notre esprit une usine à souvenirs sans oublier le fonctionnement de celle-ci, personnifier comme il se doit les émotions (leur apparence, leur couleur respective, leur caractère…), donner corps à ce qu’est un ami imaginaire, édifier les personnalités d’un être humain sous forme de villes, expliquer le fonctionnement des rêves… Tout passe à la moulinette, que ce soit de manière littérale ou bien métaphorique, pour donner vie à ce qui se passe dans notre tête et mettre fin à des idées fausses (par exemple, dire que la tristesse n’est pas une mauvaise émotion, qu’elle est au contraire nécessaire à notre vie). Et c’est tellement bien pensé, bien écrit que, tel un enfant, vous serez prêts à croire que cela se déroule ainsi en sortant de la salle de cinéma !
Mais Vice-Versa ne s’arrête pas là ! Outre son imagination débordante et sa qualité visuelle incontestable, le film fait encore plus fort en allumant cette petite flamme nostalgique et émotionnelle qui sommeille en chacun de nous. Notamment via le personnage de Riley (la petite fille en proie à ses émotions), se montrant bien plus attachante que les protagonistes agissant dans son esprit. Si cela se présente personnellement comme le seul bémol de Vice-Versa (le fait que les émotions ne soient pas les personnages les plus marquants du long-métrage alors qu’elles sont pourtant en tête d’affiche), c’est également la très grande force de l’ensemble. Car si l’on se sent proche de Riley, c’est parce que tout ce qu’elle vit, nous l’avons tous vécu dans notre enfance. Chaque sentiment, chaque situation, chaque réaction… Outre la vie de Riley, c’est la nôtre que Vice-Versa daigne nous raconter. Celle de tous les spectateurs qui se retrouvent devant ce petit bijou d’animation, prêts à ressentir toutes les émotions que provoque ce dernier (joie, tristesse, angoisse…).
En jouant avec nos sentiments comme jamais, Pixar livrent un film pédagogique, à la fois enfantin et mature, complexe, créatif et puissant. Qui parvient à faire rire, pleurer et réfléchir. Une très grande réussite qui nous ramène à l’époque glorieuse des créateurs de Toy Story et de leur imagination sans limite. Mieux, en faisant Vice-Versa, Pete Docter et Ronnie del Carmen offrent aux studios le long-métrage le plus représentatif de leur adage : amuser et émouvoir. S’il n’est pas pour moi le meilleur film Pixar (à cause du charisme à chouïa faiblard des personnages principaux), Vice-Versa se place aisément comme l’un des plus grands chefs-d’œuvre cinématographiques (et pas que du domaine de l’animation). Et rien que pour cela, il vous est interdit de passer à côté de ce long-métrage !