Dead alert
Il fut un temps où l’on attendait le nouveau Pixar avec excitation : le studio était devenu le maître de l’imaginaire, ayant su conjuguer les innovations visuelles de l’animation 3D avec une folle...
le 24 juin 2024
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Il fut un temps où l’on attendait le nouveau Pixar avec excitation : le studio était devenu le maître de l’imaginaire, ayant su conjuguer les innovations visuelles de l’animation 3D avec une folle inventivité narrative, au point d’écrire un chapitre majeur de l’histoire du film d’animation. Cette époque, soyons honnête, est clairement révolue, le studio ayant du mal garder son souffle, englué dans des impératifs divers (rachat par le grand ogre Disney, valse des exécutifs, stratégies au jour le jour en termes de diffusion…) et face à de sévères crises d’inspiration.
L’inquiétude d’une baisse de régime a donc logiquement poussé les décisionnaires à convoquer les valeurs sûres du passé, certaines (la saga Toy Story, Les Indestructibles) engendrant des excroissances tout à fait galvanisantes. Vice-Versa avait marqué son époque il y a près d’une décennie, et sa nouvelle mouture n’a donc pas trop à se fatiguer pour renouer avec un matériau de qualité. Il s’agit peu ou prou de moduler sur un même modèle en attestant de la maturité de la protagoniste, entrant de plain-pied dans l’adolescence. On retrouvera donc avec un certain plaisir les sentiments incarnés autour de la console des émotions de la jeune fille, et la rupture profonde provoquée par son passage à la puberté. Quelques idées bien trouvées (comment positionner ses bras lorsqu’on est en bande, la faille du sarcasme) attestent d’une capacité toujours prégnante à évoquer la psychologie humaine à travers la tendre didactique du cartoon, servie par un humour qui, principalement au début, fait souvent mouche. Quant à cette thématique des sentiments enfantins remisés au placard par l’anxiété, l’embarras, l’ennui et l’envie, on peut évidemment la lire comme un regard sur la fuite en avant des films pour enfants forcés de faire dans le sarcasme et la double lecture pour une audience plus large.
Mais tout cela reste assez maigre lorsqu’il s’agit de bâtir l’intrigue d’un long métrage. Car si Riley subit un grand chamboulement dans son existence, on ne pourra pas en dire autant au sujet de l’histoire qui la restituera. Même exposition, même élément perturbateur occasionnant une descente dans les tréfonds de la conscience avant une crise et sa résolution… de peur de casser la formule gagnante, on n’abat pas les cloisons. L’intrigue, péniblement linéaire et sans enjeux (on a connu plus engageant que ces trois buts de hockey), occasionne du remplissage (les expériences visuelles assez gratuites sur le papier découpé, les manga ou la 2D du passé) voire quelques plages d’ennui, et on sait dès les premières minutes le déroulé de tout le récit à venir.
Bien entendu, le film est probablement bien au-dessus de la mêlée, ne démérite pas en termes d’animation et de réalisation, mais à force de frilosité, manque de panache et d’audace. Les séquences du générique de fin, avec immersion dans l’esprit du père et de la mère attestent de tout le potentiel d’un tel univers narratif, ici clairement sous exploité. Car cette dernière ligne, assez habile lorsqu’il s’agit de démonter le mécanisme d’une crise d’angoisse, se noie surtout dans un manuel de développement personnel terriblement redondant (pitié, ces répétitions de « je suis une bonne personne/je ne suis pas à la hauteur ») à la morale on ne peut plus falote de la gentille américaine voulant intégrer l’équipe des winners.
Le constat ne manque pas d’ironie : Alerte Rouge, qui traitait du même sujet, mais passé inaperçu parce que sacrifié sur Disney +, avait justement cette audace que n’ose pas avoir cette suite, pétrifiée par le souvenir d’un âge d’or qu’on pense intouchable.
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le 24 juin 2024
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