Un film extrêmement immersif, poignant et sublime. Bien sûr, le fait qu’il s’agisse de l’un des très rares films à avoir été entièrement tourné en un seul plan-séquence n’est sans doute pas étranger au fait que j’ai adoré ce film, mais pas que.
L’histoire est extrêmement prenante sous divers aspects. Cela ne dure qu'un peu plus de deux heures, mais c’est extrêmement dense et on se retrouve au final avec une histoire qu'on pourrait retrouver dans d’autres films dont l'intrigue s'étale sur plusieurs jours, voire plusieurs mois. Mais là, tout se déroule sur ces deux petites heures, située entre la fin de nuit et le début de mâtiné d’un Berlin prise sous un autre jour.
Ce qui rend cette histoire si prenante, c’est l’évolution des personnages sur ce laps de temps, une évolution radicale où on en oublierait presque les personnages du début. Et ce qui est magnifique dans tout ça, c’est que non seulement le regard de l’héroïne changé au fil de l’histoire, mais également celui du spectateur. Car tout est magnifiquement retranscrit pour rendre l’expérience la plus immersive , viscérale même, possible.
Et puis il y a bien sûr l’évolution de l’histoire elle-même. Ou comment suit donc le personnage de Victoria dans cette fin de soirée où elle se laissé entraîner par cette bande un louche et lourdingue ; mais d’où il va en ressortir des relations fortes qui se voient fracasser contre le dérapage que prend cette aventure, à l’image de nos préjugés sur les personnages. Cette expérience est tout simplement incroyable et fonctionne à merveille.
On passe ainsi par toute une palette de sentiments, d’émotions, de position et on en vient à s’attacher à des personnages qui nous mettaient mal à l’aise, ou alors on tombe d’admiration devant le courage d’autre qu'on prenaient pour de grands naïfs. Il y aussi la façon dont on découvre peu à peu l’histoire de chacun au travers de détails, de discussions anodins mais qui finissent par revêtir une grande importance par la suite.
La seule petite déception sera la dernière scène. Un personnage qui prend la solution de facilité, celle que nous aurions sans doute tous prises. Une décision qui à le mérite d’être à la fois crédible, réaliste et méritée ; mais qui va à l’encontre de l'idée qu'on se faisait du personnage. Comme si un dernier préjugé ce prenait une ultime baffe.
Au final, ce qui fait fonctionner tout cela aussi parfaitement, c’est le casting. Un casting très limités en nombre, mais chacun des participants nous livre une prestation grandiose. Je pense à Frederik Lau et Franz Rogowski qui représentent à merveille ce que le message que tente de faire passer le film au travers de personnage brillamment interprètes. Mais celle qui vole la vedette, c’est bien Laia Costa qui nous livre là une des prestations pas forcément des plus grandioses, mais d'une intensité rare. Elle nous prend vraiment au tripe avec son interprétation viscérale. C’est d'une crédibilité saisissante, les émotions sont incroyablement transmises... C’est tout simplement magnifique.
Et l’aspect technique dans tout ça ? Au rendez-vous bien sûr ! Les décors nous montre un visage de Berlin avec lequel nous ne sommes pas forcément familiarisés. Ce qui renforce le réalisme de l'intrigue. Comme souvent dans des films qui utilisent brillamment une grande diversité de décors, Berlin devient un personnage à part entière qui, à l’image du spectateur, se révèle le témoin de cette aventure, tantôt un allié bienvenu, tantôt un traitre sadique. La musique est plutôt discrète dans l’ensemble, mais réussi à capter superbement l’ambiance globale pour renforcer notre immersion. Une grande BO.
Et la mise en scène ? Comme je l’ai déjà dit, je suis rarement objectif avec le plan-séquence. Alors un film entièrement tourné en un seul plan-séquence de plus de deux heures (établissant au passage le record du genre), ce n’était pas la peine d’argumenter. Et pourtant, outre le plan-séquence, c’est la façon extrêmement intelligente avec laquelle il est employé. Il sert profondément l’histoire. Non seulement en délimitant temporellement l’intrigue, mais aussi géographiquement et spatialement.
On débute ainsi au milieu de nulle part pour se rapprocher peu à peu de Victoria et ne plus la lâcher d'une semelle, ou presque. Elle sera toujours dans le champ, sauf lorsqu'il s’agira d’expliquer son environnement immédiat. Elle ne sera jamais loin, sauf lorsque l’espoir, les personnages puis le spectateur l’abandonneront tour à tour, pour finalement lui laisser continuer sa vie vers d’autres horizons. C’est brillant, c’est immersif, c’est vibrant. C’est tout simplement magistral.
Victoria est donc un de ses films qui mérite le détour, plutôt deux fois qu'une. Un film qui réussi pratiquement sur tous les plans sans fausses notes. Un film qui nous livre un message sous-jacent intéressant et qui nous livre une intrigue passionnante, durant laquelle on assiste impuissant à cette fin de soirée qui échappe à tout contrôle. Un très grand film !