Avertissement : dans la rédaction qui va suivre je raconte un peu ma vie. Donc, si pour toi la critique doit se limiter à l’œuvre concernée, si le simple fait quelqu'un parle de lui pour mieux contextualiser et faire vivre son texte te donne de l'urticaire... je te conseille de descendre directement en bas de cette page et de cliquer sur «non». Oh oui, fais-le. Tu en as envie et ça me fera plaisir. Et si tu n'aimes pas ce paragraphe d'introduction inutile et à l'humour douteux, toi aussi. Lâchez-vous, c'est cadeau.
Victoria, c'était l'occasion toute sencritiquienne d'aller voir une avant-première gratuitement à Toulon avec des membres du site (ouais, je ne rigolais pas, mais y'a un avis sur l’œuvre en dessous, promis). Je rencontre donc Kenshin, real_folk_blues et Aqualudo.
Alors qu'on arrive bien en avance, on se débrouille quand-même de rater les premières minutes. Je ne mettrais personne en tort (real, ne te sens surtout pas visé).
Et alors là, attention, je parle du film. Quelque chose me dit que c'est pour ça que vous êtes là.
Victoria, je l'attendais. J'aime beaucoup les plans-séquences, donc un thriller berlinois en un seul plan me faisait rêver. Ces 2h20 d'affilée sont un exploit de mise en scène, de coordination, de cameraman (justement cité en premier au générique) et de jeu d'acteur. L'équipe devait être harassée à la fin du tournage. Mais outre la performance technique, qu'en est-il du spectacle ?
Le film commence en douceur et monte en pression dans un rythme soutenu, n'atteignant l'accalmie finale qu'après avoir atteint le pic de la tension qu'il instaure (bouh cette phrase à coucher dehors).
Selon moi le rythme est très important dans Victoria. Il peut sembler étiré, long, et c'est à la fois sa faiblesse et sa force. Car c'est une histoire vécue en temps réel, et c'est ce qui lui confère son puissant réalisme.
Ce réalisme, c'est peut-être ce qui m'a le plus touché finalement. Rapprocher une œuvre d'art du plausible, la fondre dans notre réalité au point de la rendre tout à fait possible, n'est pas chose facile ; surtout si on veut que ça reste ludique et immersif. Je salue, mais vraiment, le jeu des acteurs : tous dans leurs personnages jusqu'au bout, sans faillir. J'ai aimé chaque interprétation, la sincérité des caractères crevait l'écran jusqu’à m'atteindre. Peut-être d'ailleurs que tout jouer d'un coup leur permettait de rester totalement dans leur rôle, notamment pour Laia Costa qui ne quitte jamais assez longtemps le champ de la caméra pour qu'elle aie pu prendre une pause.
Le montage musical n'en fait pas trop et la musique de Nils Frahm sonne juste. Elle vibre et accompagne ce frisson évolutif que j'ai eu le plaisir de vivre.
Voilà, Victoria est un film qui se vit parce qu’il est vivant lui-même, qu'il respire, que les gens s'y parlent en hésitant et en bafouillant, qu'on a l'impression d'assister à une vraie aventure en direct, et que c'est une forme de cinéma qui me plaît, qui me parle.
Le Thriller est basique, la romance entre l'espagnole Victoria et l'allemand Sonne l'est aussi, de fait le scénario est très simple. L'intérêt tient plus de la maîtrise continue de cette tranche de vie intense, de la folie de cette excursion plus ou moins volontaire.
Attention SPOILER ci-dessous, ne pas lire si vous n'avez pas vu le film.
On peut y voir une vision accélérée de l'évolution d'un couple, se déroulant au sein de l'intrigue: d'abord les ébats frivoles, on s'apprivoise, puis vient la sexualité, symbolisée par maints baisers ardents et espiègles, la joie, l'indifférence aux autres (dans la boîte de nuit), ensuite la difficulté traversée ensemble, le passage du bébé comme s'ils étaient déjà un couple de longue date, puis finalement le deuil de l'autre, le retour à la solitude.
Le temps de deux heures vingt, j'ai vu un couple naître, s'aimer et s'éteindre dans le tumulte de l'existence. C'est beau.
FIN SPOILER, soyez sereins, vous pouvez poursuivre.
Victoria, de mon humble point de vue, n'est pas le film extraordinaire qui m'a retourné profondément, n'est pas le plan séquence ultime ou le thriller le plus prenant, et l'avoir vu une fois me suffit -ce n'est pas péjoratif, il y a beaucoup de bons films qui me suffisent une fois- le revoir provoquerait l'ennui ; la faute au rythme, à la caméra qui a parfois du mal à rester stable, certes, mais aussi pour la bonne raison que c'est un film indélébile, je ne suis pas près de l'oublier, je n'aurais donc pas envie ni besoin de le redécouvrir avant longtemps.
Berlin, agréable décor sublimé par un beau jeu de lumière (l'image finale avec les grues en est emblématique), plateforme de la traversée haletante qu'endure la jeune femme dont le nom n'est certainement pas dû au hasard, aura été le théâtre d'un film qui tient ses promesses, et qui au delà de sa technicité offre à bon entendeur un divertissement digne de ce nom.
Bon courage à Michel pour trouver des faux raccords dans celui-là.
Bière, cinéma, burgers, c'était une bonne soirée. Ah tout de suite, je faisais moins mon malin face à trois cinéphiles ayant passé les trente ans. Rien qu'en sortant de la séance, Aqualudo déclare, je cite : « c'est comme Killing Zoe mais en moins fun et en plan séquence» un film dont je n'avais, bien sûr, jamais entendu parler.
Et vas-y que ça parle de cinéma japonais, de films russes des années vingt, tant d’œuvres qui m’intriguent et que je n'ai pas encore vues. Peut-être qu'un jour ce sera moi, à leur place, le cinéphile endurci à la plume acérée, assaisonnée d'une pointe de cynisme due à l'expérience. Peut-être que comme eux j'aurais la note sévère et qu'à force d'avoir élargi mes horizons cinématographiques et médiatiques, je ne trouverais pas Victoria si extraordinaire.
Peut-être que l'émerveillement de ma jeunesse se dissipera au fil des...
… Oh ? real_folk_blues l'a noté 10*. Je n'ai rien dit.
Victoria est un très bon film.
http://www.senscritique.com/liste/Au_dela_du_virtuel_l_aventure_continue_Journal_de_mes_rencon/707902
*Par erreur sur l'application smartphone. En vrai il a mis 6.